Si le printemps 2012 est passé à l'histoire pour l'abondance de la sève qui a coulé des érables en colère, l'automne aura été marqué par de subtils jeux de langues concernant la loi 101.

Après avoir proposé du bout des lèvres de l'imposer aux CPE, le gouvernement Marois se tourne prudemment la langue dans la bouche en évoquant son intention de reculer sur son engagement électoral de l'imposer aux cégeps.

Selon les informations obtenues par La Presse, en vertu du projet de loi que déposera le gouvernement cette semaine, les cégépiens francophones seront tenus de suivre des cours d'anglais alors que les anglophones devront obtenir des crédits pour l'apprentissage du français.

Il s'agit là d'un heureux et juste compromis qui contribuera à solidifier la place du français et en favoriser l'usage sans que soient pour autant pénalisés les francophones qui souhaitent développer leur bilinguisme.

Il faut y graviter pour constater que Montréal est rempli d'anglophones qui parlent un français impeccable et qui se font un devoir, et même un plaisir, de s'exprimer dans la langue de Molière au quotidien. Je côtoie plusieurs d'entre eux dans l'exercice de ma profession et ils me confirment chaque jour que la cohabitation des langues et des cultures n'est pas une utopie, mais un privilège et une richesse bien réels.

En toute lucidité, il faut toutefois admettre que la ville compte également sa part d'anglophones qui brandissent comme un trophée de chasse le fait de n'avoir jamais prononcé un seul mot de français depuis qu'ils ont vu la lumière du jour et la possibilité qu'ils ont de vivre, étudier et travailler exclusivement en anglais sans être inquiétés. Je crois qu'un message clair mérite de leur être envoyé, ce que permettront les amendements à la loi.

On me reprochera probablement d'avoir deux poids, deux mesures, sur ce délicat sujet. Je l'avoue et l'assume. En soumettant les cégeps à l'application de la loi 101, on causerait aux élèves francophones, par ailleurs majeurs et aptes à exercer leurs droits et à faire des choix éclairés, un préjudice grave et sérieux.

Le discours extrémiste sur la loi 101 porte des oeillères et fait abstraction d'une évidence fondamentale: le bilinguisme est devenu un incontournable de notre monde moderne, au Québec comme ailleurs. Il serait injuste que le renforcement du français se fasse au détriment du droit des élèves francophones d'élargir leurs horizons et de s'outiller adéquatement pour affronter un marché du travail exigeant et compétitif en les empêchant de poursuivre des études collégiales en anglais.

En revanche, les inconvénients reliés au devoir des élèves anglophones de suivre des cours de français sont mineurs et cette obligation permettra en outre de vérifier le sérieux de leur intention de contribuer à la société québécoise dans le respect de sa langue, de ses lois et de ses valeurs. Ceux pour qui ce fardeau est trop lourd pourront toujours explorer les alternatives qui s'offrent à eux.

J'ai la ferme conviction que la maîtrise du français et de l'anglais ne sont pas des compétences mutuellement exclusives. L'une n'empêche pas l'autre; le secret est dans la transmission des valeurs et l'éducation plutôt que dans la prohibition.

Ce projet de loi favorisera donc un plein exercice des libertés individuelles tout en renforçant le message que la protection du français reste une priorité du gouvernement, en dépit de son statut minoritaire. Avec pareille prise de position, il est permis d'espérer que ces jeux de langues n'auront pas été vains.

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