Il y a cinq ans, un neurologue m'a informée que les résultats anormaux d'un examen justifiaient des vérifications au sujet de la sclérose en plaques, ce qui passait obligatoirement par une tomodensitométrie (scanner) du cerveau. Les délais étant interminables à l'hôpital, j'ai payé 350$ au privé et j'ai passé l'examen cinq jours plus tard.

En 2009, un médecin a froncé les sourcils en palpant une bosse dans la région ganglionnaire de mon cou, m'annonçant qu'une échographie s'imposait: quatre à cinq mois d'attente dans le système public, deux semaines au privé et un coût de 150$.

J'ai finalement une chance de pendu, car je ne souffre ni de la sclérose en plaques ni du cancer des ganglions. Mais lorsque j'ai été confrontée à la possibilité d'avoir tiré le mauvais numéro à l'imprévisible loterie de la santé, le besoin de savoir et d'agir est devenu une véritable obsession et mon impuissance devant la perspective des délais était une épouvantable torture.

Je ne compte par ailleurs plus le nombre de fois où j'ai fait le pied de grue à 6h du matin, dans la noirceur et le froid de l'hiver, afin que l'un de mes lionceaux soit examiné à la clinique sans rendez-vous de mon quartier. À ce jour, j'ai toujours résisté à l'envie d'acheter une dispendieuse carte de membre à l'une des nombreuses cliniques privées qui poussent comme des champignons, mais j'avoue que je suis tentée, terriblement tentée.

À l'instar de la Protectrice du citoyen, j'ai l'impression que la cohabitation des systèmes public et privé, du moins dans sa forme actuelle, n'est pas particulièrement harmonieuse.

On tente souvent de nous convaincre des attraits des services privés en affirmant qu'ils permettent de désengorger le système public. Ainsi, les délais sont réduits tant pour ceux qui se tournent vers le privé que pour ceux qui restent dans le système public. Sans être scientifiques, mes observations me laissent toutefois croire que, loin de raccourcir, les délais du secteur public sont encore insupportablement longs pour de nombreux examens, traitements et interventions, au grand désespoir de patients vulnérables qui n'ont pas les moyens de payer pour ces services au privé.

C'est sans compter les médecins, plus nombreux que jamais - 50 en 2005 et 270 en 2012 - qui prennent leurs jambes à leur cou pour rejoindre le privé, aux motifs notamment que la liberté y est plus grande et les irritants bureaucratiques moins lourds. Cet exode draine le réseau public de son personnel technique et médical que viennent recruter les cliniques privées.

La place grandissante du privé, particulièrement en ce qui a trait aux services d'imagerie médicale, soulève également un problème potentiel de contrôle de la qualité, comme l'a révélé l'enquête du Collège des médecins sur les lectures fautives de centaines de mammographies dans une clinique privée de Montréal. Il n'existe en effet généralement aucun mécanisme de surveillance des actes médicaux dans les cliniques privées dont le rôle serait similaire à celui du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) dans les hôpitaux.

Le système privé a certes prouvé son utilité. Mais il faut revoir les modèles et les façons dont il peut servir de complément au système public afin que ce mariage ne devienne pas un cuisant échec qui n'aura réussi qu'à mettre en péril les valeurs d'universalité et d'équité qui sont si chères à notre société.

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