De tous les passages que nous accomplissons comme êtres humains, aucun n'est aussi redouté que celui de la mort. Le stoïcien Épictète écrivait, au premier siècle de notre ère: «Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l'homme, ce n'est pas la mort, mais la crainte de la mort?»

Pâques, que nous célébrerons ce dimanche, se présente justement comme un remède suprême à l'angoisse paralysante de la mort: par sa résurrection, Jésus ouvre un passage vers la vie éternelle. Moyennant l'accueil de l'amour divin, quiconque franchit le portail de la mort débouche sur une existence parfaitement ajustée à ce que le coeur avait pressenti comme étant la vocation ultime de la personne humaine: le bonheur éternel.

Voilà une perspective susceptible d'apaiser une âme. Mais n'est-ce pas trop beau pour être vrai? J'ai souvent entendu cette objection à l'espérance chrétienne: «Tu prends tes désirs pour des réalités! La religion a inventé de belles fables pour consoler les faibles. N'avale pas ces tisanes anesthésiantes, infusées pour ceux qui sont incapables de regarder la vie comme elle est!»

C'est une façon de voir les choses. Des esprits fort subtils ont perçu ainsi l'espérance chrétienne. Je pense à la poète Anne Hébert, qui s'est mesurée à son désir d'éternité dans Le Tombeau des Rois: «Je repose au fond de l'eau muette et glauque./J'entends mon coeur/Qui s'illumine et s'éteint/Comme un phare.» Tous, à différents degrés, nous sentons parfois qu'il serait trop cruel que notre vie s'achève dans la mort biologique; alors qu'à d'autres moments, c'est la seule alternative nous paraissant raisonnable. Alternance de lumière et de ténèbres.

Pour Hébert, voici comment cette alternance se résout: «À chaque éclat de lumière/Je ferme les yeux/Pour la continuité de la nuit/La perpétuité du silence/Où je sombre.» Traduction: «Je ne veux pas être le jouet d'illusions, alors je choisis d'étouffer mon espoir que la vie se poursuit par-delà la mort... même si c'est douloureusement tragique.»

Cependant, l'objection n'est pas décisive. Notre désir de vie comblée et sans fin n'est peut-être pas absurde; au contraire, ce désir universel pourrait bien être un indice que Dieu a laissé traîné en nous, indice qui nous aide à discerner pour quelle destinée nous sommes faits. En effet, si Dieu a voulu nous faire participer à sa vie bienheureuse, il est normal qu'il ait fait de celle-ci l'objet de notre aspiration la plus indéracinable. Notre désir d'éternité serait donc une aiguille de boussole, pointant vers un nord magnétique invisible et néanmoins réel: Dieu.

Ainsi, le point de vue croyant est au moins aussi raisonnable que le point de vue incroyant. D'ailleurs, ce qui fait pencher la balance d'un côté ou de l'autre, c'est rarement la force d'un raisonnement. C'est plutôt une confiance intuitive, ou alors l'effet d'une rencontre: «Le Christ est vraiment ressuscité, car j'éprouve sa présence, son amour solidaire de ma vie... et de ma mort».

Mais croyants ou non, Pâques nous donne l'occasion de nous confronter à une réalité, la mort, en face de laquelle notre société, valorisant à l'excès l'instant présent et un idéal de jeunesse, détourne trop souvent la tête. Pourtant, elle est la seule certitude que nous possédons sur notre avenir. Et peut-être la seule aussi à nous poser sans complaisance cette question: «Quelle est ton espérance?»

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