Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Après plus d'un an de querelles entre les différents acteurs de plusieurs coalitions anti-groupe armé État islamique (EI), les attentats de Paris relancent l'idée de les fusionner afin de rendre la lutte antiterroriste plus efficace et, par le fait même, de trouver une solution à la guerre civile syrienne. Rassembler une grande coalition sera difficile, mais l'exercice n'est pas insurmontable.

François Hollande en parlera la semaine prochaine avec Barack Obama et Vladimir Poutine. Le président russe en avait déjà touché mot en septembre lors de son passage devant l'Assemblée générale de l'ONU. Chacun prend conscience aujourd'hui de l'urgence de la situation et cherche à enclencher la mécanique vertueuse de la coopération. Il leur faut définir les bases diplomatiques, militaires et juridiques afin de réconcilier les points de vue et atteindre l'objectif.

Il y a trois coalitions en place qui luttent contre l'EI : celle menée par les États-Unis et regroupant 60 pays, celle unissant l'Iran, l'Irak, le régime syrien et le Hezbollah libanais et enfin, celle de la Russie, de concert avec Damas, et avec l'appui tacite de l'Iran. Toutes jurent vouloir en finir avec le groupe terroriste et, jusqu'à ce week-end, se tiraient dans le dos.

Au-delà des attentats de Paris, au moins deux facteurs militent en faveur d'un rapprochement diplomatique. La signature de l'accord sur le nucléaire iranien a ramené l'Iran dans le camp des nations responsables. L'engagement militaire de la Russie auprès du régime syrien a élargi la négociation sur la paix en Syrie et forcé les Occidentaux à prendre en compte tous les acteurs de ce drame. Un accord, sans doute incomplet, a été conclu samedi dernier à Vienne sur une transition en Syrie. Obama et Poutine se sont rencontrés en marge du G20 et se sont visiblement entendus sur l'essentiel. Si les intérêts des uns et des autres sont respectés, la coalition anti-EI peut naître.

ENTENTES DIPLOMATIQUES ET MILITAIRES

La coordination militaire contre l'EI suivra nécessairement l'entente diplomatique. En fait, cette coordination a déjà commencé. La coalition américaine et la Russie se sont partagé les zones à bombarder en Syrie et discutent depuis plusieurs semaines des différents aspects du conflit. Lundi, le président Poutine a ordonné à ses navires de guerre déployés en mer Méditerranée d'entrer en contact avec le porte-avions Charles-de-Gaulle en route vers les côtes syriennes et de « coopérer avec les alliés français ».

Sur le plan militaire, il reste une inconnue : le déploiement de troupes au sol, élément essentiel pour chasser les djihadistes, tenir le territoire et empêcher leur retour.

Qui fera ce travail aussi nécessaire que sanglant ? Les gouvernements de la région sont-ils prêts à laisser de côté leurs arrière-pensées politiques et leurs haines religieuses pour engager leurs troupes ? La Turquie laissera-t-elle les Kurdes agir ? L'Arabie saoudite sunnite veut-elle faire cause commune avec l'Iran chiite ? Les Occidentaux et les Russes sont-ils disposés à déployer des éléments militaires spécialisés pour soutenir une opération terrestre ?

Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, il faut trouver une base légale et une légitimité politique à cette nouvelle coalition. C'est ici qu'intervient la proposition du président Hollande de réunir le Conseil de sécurité de l'ONU. Par le passé, le Conseil a trouvé l'unité politique nécessaire pour appuyer plusieurs interventions : la guerre du Golfe de 1991, l'intervention en Afghanistan en 2001 et, d'une certaine façon, celle en Libye en 2011.

Le Conseil de sécurité ne dit pas toujours le droit. Il lui arrive même de se tromper. Il faut vivre avec. Dès lors, l'adoption unanime d'une résolution autorisant une nouvelle coalition à intervenir contre l'EI reste indispensable et lui donnerait une légitimité universelle incontestable.

La nouvelle coalition anti-EI ne peut toutefois se réduire à un simple arrangement de circonstance pour abattre ce groupe terroriste. Elle doit aussi offrir aux peuples de la région, et surtout aux sunnites syriens et irakiens et aux minorités, une perspective d'avenir au sein de leur pays. L'oublier nous ramènera à la case départ.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion