Les mêmes causes produisent-elles les mêmes effets ? Vingt ans après le génocide au Rwanda, son voisin, le Burundi, est en proie à des violences politiques et ethniques qui rappellent les prémices de la catastrophe rwandaise.

Au Burundi, comme au Rwanda, les Hutus sont majoritaires, les Tutsis minoritaires. Dans les deux cas, la fracture ethnique a longtemps rythmé la vie politique. On connaît ses suites tragiques au Rwanda. Les luttes politiques et ethniques ont connu un moment d'apaisement avec la signature d'un accord de paix. Pourtant, le feu couvait. Une étincelle, l'attentat contre l'avion présidentiel en avril 1994, a déclenché le massacre par le pouvoir hutu d'environ 1 million de personnes, majoritairement des Tutsis.

On sait moins qu'au Burundi, des massacres de centaines de milliers de Hutus et de Tutsis ont eu lieu en 1972 et en 1993. Si le Rwanda vit aujourd'hui dans le calme, sous la main de fer du président Paul Kagamé, le Burundi est depuis 20 ans accompagné par l'ONU et l'Union africaine dans sa quête de stabilité et de paix.

Le bilan n'était pas si mauvais jusqu'à tout récemment. Le gouvernement et les différentes factions, aidés par Nelson Mandela, se sont entendus en 2000 sur un accord de paix dont les grandes lignes ont été appliquées : l'armée a été réformée, les élections ont ouvert la voie au pluralisme, le pouvoir a été partagé. Tout était fragile, bien entendu, car on n'efface pas d'un trait de plume des décennies de tensions et de massacres.

Malheureusement, cet été, les passions se sont à nouveau déchaînées.

Trois facteurs au moins expliquent le retour de la violence au Burundi. Le délicat arrangement institutionnel concernant le partage du pouvoir a commencé à se fissurer dès l'élection présidentielle de 2010, lorsque l'opposition a refusé d'y participer. Il a éclaté cette année lorsque le président Pierre Nkurunziza a sollicité un troisième mandat au mépris de l'accord de paix.

La dérive autoritaire du régime a fait de nombreuses victimes : assassinats ciblés, arrestations de journalistes et d'opposants, fuite de personnalités pourtant proches du président. En mai dernier, des militaires ont tenté un coup d'État. Son échec a radicalisé le pouvoir. Une partie de l'opposition, qui a toujours préféré la violence, y a vu une justification.

Enfin, le Burundi est un pays pauvre et surpeuplé, enclavé de surcroît. Il vit de l'aide internationale et de sa production de thé et de café. La lutte pour les rares ressources est donc rude.

Le président et son clan ont décidé l'épreuve de force avec tous les secteurs de l'opposition sans faire de distinction entre les courants pacifiques et violents. Compte tenu de l'histoire passée, le présent n'annonce rien de bon, d'autant plus que certains membres du gouvernement usent d'une rhétorique dont chaque mot rappelle ceux utilisés avant le génocide rwandais. Ainsi, le président du Sénat a récemment exhorté le peuple à « passer à l'action » contre les ennemis du pays.

Certains spécialistes voient là une logique génocidaire. D'autres pensent plutôt que nous sommes face à un scénario de « politicide », c'est-à-dire d'élimination brutale de l'adversaire politique. Pour l'instant, les faits penchent vers cette deuxième explication tant ceux qui sont assassinés et exilés proviennent des deux ethnies. Mais un dérapage ethnique n'est pas exclu.

Depuis lundi, le Conseil de sécurité de l'ONU débat de la crise burundaise. La France fait circuler un projet de résolution appelant au dialogue entre les parties et menaçant de sanctions les auteurs de violences. Une force de maintien de la paix pourrait être déployée.

La communauté internationale a raison de s'inquiéter. Il y a 20 ans, en Bosnie, il a fallu le massacre de Srebrenica avant qu'elle intervienne. Elle avait appris la leçon et en 1999, devant les horreurs du Kosovo, elle était intervenue rapidement. C'est aujourd'hui le Burundi qui requiert son attention.

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