On se bouscule ces jours-ci aux États-Unis. Et ce sera encore plus frappant à partir de demain lorsque les chefs d'État de la planète vont commencer à arriver à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU.

Ils seront tous là : le Russe, l'Iranien, l'Israélien, le Chinois. Même le pape y sera. Pour autant, la visite qui compte est celle qu'effectue depuis mardi le président chinois en terre américaine.

Xi Jinping connaît les États-Unis. Il y est venu à plusieurs reprises depuis 1985. Il est cette fois au centre d'une visite d'État, un événement rare où les deux pays soulignent l'importance de leurs relations.

Aux États-Unis, dans certains cercles dont la voix domine le discours public, la Chine est vue comme l'ennemi. Il est vrai que les sujets de discorde entre les deux pays ne manquent pas : attaques informatiques, montée de la puissance militaire chinoise, lutte d'influence en Asie, querelles commerciales. L'affrontement serait donc inévitable.

Cette idée d'une guerre sino-américaine trouve son fondement dans un courant de pensée en vogue en relations internationales. Ce courant explique que l'émergence rapide d'une nouvelle puissance aboutit nécessairement à un conflit avec la grande puissance dominante déterminée à maintenir le statu quo.

Ceci explique sans doute pourquoi la plupart des analyses produites évoquent souvent le conflit, sinon la guerre entre les deux grandes puissances. J'ai sur mon bureau six livres sur la Chine publiés aux États-Unis et lus au cours des derniers mois. Un seul des auteurs est chinois, les autres sont anglo-saxons. Plusieurs titres disent tout : The Next Great War ?, Fateful Ties, Meeting China Halfway, The Improbable War.

La table est mise, et le président Xi Jinping a bien compris l'état d'esprit qui règne aux États-Unis à propos de son pays. Frondeur ou pédagogue, il a réservé sa seule interview, écrite, au Wall Street Journal, dont la page éditoriale ouvre largement ses colonnes aux détracteurs les plus malhonnêtes du régime chinois. C'est une interview en forme de message, et il vaut la peine de la lire.

Le président chinois rappelle une vérité. À ce jour, la Chine suit une politique fondée sur la paix et le respect des règles internationales. Elle n'a pas vocation, comme on l'accuse à Washington, de changer l'ordre mondial.

« Je ne crois pas qu'aucun pays puisse restructurer l'architecture de la gouvernance mondiale en sa faveur », a-t-il dit. Une façon polie, sans doute, de rappeler que ce n'est pas la Chine qui a causé la mort de 200 000 Irakiens et le déplacement de cinq millions d'autres à la suite de la guerre de 2003, tout cela pour réorganiser le Proche-Orient.

La Chine est une grande puissance et, comme les États-Unis, elle joue avec les cartes qu'elle a en main et entend défendre ses intérêts - avec brutalité s'il le faut - que ce soit à propos de Taïwan ou de sa présence en mer de Chine du Sud.

Malgré tout, plusieurs observateurs remarquent que la Chine est plutôt bon élève. Elle a adhéré à la position américaine sur le nucléaire iranien. Elle a signé un accord historique avec les États-Unis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle déploie quelque 3000 casques bleus (comparativement à 120 pour le Canada) dans les missions de l'ONU. Elle se déclare prête à combattre la cybercriminalité. Et, depuis quelque temps, ses diplomates postés dans les pays en développement rencontrent les leaders de l'opposition, ce que Pékin avait toujours refusé de faire, privilégiant les autorités en place.

Taper sur la Chine est pratiquement un sport national aux États-Unis. C'est aussi une façon commode pour certains représentants des élites, en particulier les républicains, d'éviter d'aborder avec les Américains les problèmes qui minent leur société. Le régime chinois avec ses violations des droits humains ne nous plaît pas. Mais la Chine reste, pour l'instant, un facteur de paix. C'est à cultiver.

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