Les Britanniques vont aux urnes aujourd'hui et ils n'ont jamais été aussi divisés. Aucun des grands partis n'est assuré d'obtenir une majorité à la Chambre des communes. Le vainqueur devra donc composer avec d'autres, et la question du maintien ou non de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne (UE) sera au coeur des négociations visant à former un gouvernement.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'enjeu européen de ces élections a été absent du débat quotidien pendant la campagne, tout en demeurant très présent dans l'esprit de plusieurs et en particulier des chefs de partis.

Depuis une dizaine d'années, les eurosceptiques gagnent du terrain au point où une formation politique de droite, le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage, est arrivée en tête aux élections européennes de mai 2014. L'UKIP prône un retrait de l'Union européenne et une stricte limitation de l'immigration. L'épouvantail UKIP a ébranlé la classe politique même si les derniers sondages lui accordent à peine 8 % des voix et quelques sièges de députés.

Le premier ministre conservateur David Cameron a bien compris le danger que représente l'UKIP pour son parti et a soufflé le chaud et le froid sur la question européenne. Il a réaffirmé sa promesse faite il y a deux ans de tenir un référendum sur l'appartenance ou non de la Grande-Bretagne à l'UE (le « Brexit » ou « British exit ») d'ici 2017 à l'issue de négociations visant à conclure un nouvel accord entre Londres et Bruxelles. Il est personnellement opposé à la sortie de l'UE, mais estime l'exercice référendaire utile d'un point de vue démocratique.

UN CALCUL POLITIQUE

Cette prise de position ne va pas sans arrière-pensées électoralistes. Le premier ministre veut ramener chez lui des électeurs conservateurs attirés par l'UKIP, ce qui semble fonctionner. Il place aussi le Parti travailliste d'Ed Miliband et les libéraux-démocrates de Nick Clegg, actuel vice-premier ministre dans le gouvernement de coalition avec Cameron, dans une situation délicate.

Les deux partis sont farouchement pro-européens et opposés au référendum, mais compte tenu d'un électorat plutôt hostile à l'Europe, ils ont adopté un profil bas sur le sujet pendant la campagne électorale. La promesse de Cameron les a toutefois obligés à se montrer plus revendicateurs devant l'Europe. Ils réclament une réforme des institutions européennes et un arrêt des transferts de pouvoir des États vers Bruxelles.

Dans les prochains jours, l'arithmétique des résultats électoraux permettra de dégager des coalitions favorables ou défavorables au référendum. À ce jour, le Parti conservateur ne pourrait compter que sur l'UKIP comme allié dans cette bataille, mais ce ne sera certainement pas suffisant pour former une coalition majoritaire. Côté pro-européen, les travaillistes pourraient compter sur les libéraux-démocrates et/ou sur le Parti national écossais (SNP) dont on dit qu'il pourrait rafler les 59 sièges en Écosse et appuyer Ed Miliband moyennant quelques faveurs.

Le danger d'une sortie britannique de l'UE est bien réel, même si Cameron reste flou sur le niveau de réformes qu'il serait prêt à accepter pour voter Non au référendum.

L'ambiguïté du premier ministre reflète bien celle des Britanniques. Ils sont en effet nombreux à réclamer un référendum et un peu moins de 50 % voteraient pour le « Brexit », mais un revirement est toujours possible. En effet, il y a 40 ans, le 5 juin 1975, les Britanniques confirmaient à 67 % leur adhésion à l'UE alors que les sondages annonçaient un vote massif en faveur du retrait.

Les temps ont changé, bien entendu, et les Britanniques, comme beaucoup d'Européens, sont mal à l'aise par rapport à la construction européenne. Ils ont besoin d'être une nouvelle fois convaincus des bienfaits de leur appartenance à l'Europe. Et là, c'est le travail des élites pro-européennes, étrangement absentes sur ce plan.

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