Il y a quatre ans, presque jour pour jour, Paris, Londres et Ottawa dirigeaient une opération militaire de l'OTAN en Libye pour en finir avec la dictature du colonel Kadhafi. Il y avait même un général canadien à la tête de l'intervention. L'objectif était de libérer les Libyens de la tyrannie et de permettre à des rebelles soudainement parés des plus belles vertus démocratiques d'accéder au pouvoir.

Le résultat: quatre ans de chaos, un pays déchiré entre deux gouvernements, et l'émergence d'un djihadisme brutal installé à quelques kilomètres de l'Europe.

Que s'est-il passé? La réponse est simple: l'abandon de la Libye par ces «libérateurs». C'est du moins ce qu'a dit l'ancien chef des services secrets britanniques John Sawers lors d'un discours prononcé il y a quelques jours à Londres.

«Lorsque la crise a éclaté en Libye, nous n'avons pas voulu garder les bras croisés pendant que Kadhafi réprimait d'honnêtes Libyens souhaitant mettre fin à la dictature, a-t-il dit. Mais nous n'avons pas voulu nous trouver mêlés aux problèmes de la Libye en envoyant des troupes au sol... Personne n'a voulu se mouiller. Le résultat? Un chaos qui prend de l'ampleur, exploité par des fanatiques.»

Les Libyens n'ont jamais vraiment réussi à se relever après la chute de Kadhafi. Le dictateur avait soigneusement fait le vide autour de lui en éliminant ou en exilant ses adversaires. Les institutions étatiques ne devaient leur fonctionnement qu'au bon vouloir du régime. En 2011, les rebelles se sont donc emparés d'un État fictif, un État de papier. La politique, comme la nature, ayant horreur du vide, les nouveaux dirigeants ont commencé à se quereller à peine arrivés au pouvoir.

Le vide politique a engendré le vide sécuritaire. Avec 300 000 hommes en armes, mais sous aucune autorité commune, le désastre était annoncé. Les milices se sont multipliées au fur et à mesure que tout s'effondrait. Cette déliquescence a aussi contaminé les États à proximité comme le Mali, le Niger et le Tchad. Les groupes terroristes en ont profité pour prendre racine, refaire le plein d'armes et occuper plus d'espace dans la longue bande sahélo-saharienne au sud de la Libye qui s'étend de la Mauritanie au Soudan.

Quant aux «libérateurs» occidentaux, ils ont fait le minimum en termes d'aide financière et diplomatique.

Le chaos libyen vient de se rappeler au monde avec l'exécution dimanche de 21 Égyptiens de confession copte par le groupe État islamique et des représailles de l'aviation égyptienne. Il semble maintenant que les Européens trouvent la situation suffisamment sérieuse pour envisager une nouvelle intervention militaire, d'autant plus que les assassins n'ont pas hésité à rappeler qu'«aujourd'hui, nous sommes au sud de Rome». L'Italie a réagi en se disant prête à fournir un contingent de 5000 militaires. Le Tchad a demandé que l'OTAN «finisse le travail» commencé en 2011.

Intervenir, mais encore?

Hier soir, le Conseil de sécurité débattait de la situation en Libye. Personne ne semble désireux de lancer une autre intervention. D'ailleurs, avant même de songer à le faire, il faudrait au moins répondre à deux questions: quel type d'intervention? Et pour faire quoi?

Une intervention du type aérien donne des résultats limités, sinon mitigés, comme en font foi la première intervention en Libye et les bombardements actuels sur l'Irak et la Syrie contre l'EI. Il faut des troupes au sol pour neutraliser les fauteurs de troubles. Mais neutraliser qui au juste? Il y a deux gouvernements en place en Libye et chacun se revendique d'une légitimité politique et sociale. Entre les deux, une myriade de milices tribales ou mafieuses et des groupes terroristes.

Il faudra prendre parti dans le conflit et donc en subir les conséquences. Et au lendemain de la «victoire», il faudra reconstruire. Sommes-nous prêts à nous engager?

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