Dans la foulée des attentats de Paris, une question a été à peine évoquée par les pouvoirs publics et les médias, celle du financement du terrorisme islamiste. Quelques réponses ont été fournies, souvent vagues et ambiguës.

Ainsi, dans son édition de la semaine dernière, l'hebdomadaire français Le Point a publié sur les tueries le témoignage d'une trentaine d'intellectuels, de spécialistes, de politiciens, d'anciens agents secrets. Un témoignage attire l'attention et représente à lui seul le malaise autour de l'identité des commanditaires du terrorisme islamiste. À la question de savoir comment lutter contre le terrorisme islamiste, Alain Chouet, ancien chef du service des renseignements de la sécurité en France, a répondu qu'il était nécessaire de «s'attaquer aux parrains idéologiques et financiers, qu'on ne connaît que trop bien...» Ah oui? Lesquels?

La question de leur identité se pose, car nommer publiquement les commanditaires ou les parrains, surtout lorsque ceux-ci sont des États, est une grenade dont le dégoupillage peut causer de sérieux dommages.

L'été dernier, le gouvernement allemand a dû s'excuser après les déclarations de son ministre de l'aide au développement accusant le Qatar de financer le terrorisme islamiste.

Quelques mois plus tard, en octobre, c'était au tour du vice-président américain Joe Biden de se retrouver dans de beaux draps. Devant les étudiants de l'université Harvard, il avait laissé entendre que les alliés américains au Proche-Orient, en particulier la Turquie, le Qatar et les Émirats arabes unis, avaient, dans leur détermination à renverser le président syrien al-Assad, financé ou aidé militairement tous les groupes d'opposants, même les terroristes de l'État islamique. «Ils ont reconnu leur erreur» avait dit le vice-président avant de se rendre compte de sa gaffe et de se précipiter sur le téléphone pour expliquer ses déclarations aux leaders des trois pays en question. Les spécialistes, eux, peuvent se permettre dans les médias d'accuser ces pays sans avoir ensuite à s'excuser.

Mais le vice-président a-t-il gaffé ou a-t-il tout simplement révélé ce que les services de renseignements occidentaux savent? On n'en sait rien car, semble-t-il, il n'existerait aucune preuve écrite ou matérielle de financements étatiques aux groupes terroristes islamistes. À moins qu'Edward Snowden n'ait en sa possession quelque document sur le sujet qu'il pourrait révéler un jour...

Des méthodes légales

Il nous faut donc nous rabattre sur les filières non-étatiques afin d'identifier des commanditaires du terrorisme islamiste. À ce titre, plusieurs spécialistes soulignent l'importance du rôle que jouent le financement conforme aux préceptes de la charia, les organismes caritatifs islamiques, les mosquées et centres communautaires islamiques et le système hawala (paiement informel), pratiqué partout dans le monde au sein du réseau des bailleurs de fonds du terrorisme islamiste.

Ces bailleurs de fonds et ces méthodes de financement sont bien connus des autorités dans le monde musulman comme en Occident.

Plus souvent qu'autrement, leurs activités et méthodes sont légales: prosélytisme politico-religieux de certaines fondations privées, collectes de fonds pour des causes humanitaires, financements de mosquées, prêts bancaires, publication de livres religieux, gestion d'hôtels et de commerces, transferts d'argent informels. L'argent récolté irrigue ensuite les circuits permettant de financer des groupes «modérés» luttant contre le régime syrien ou contre telle dictature, mais aussi des groupes terroristes.

Enfin, il y a les bailleurs de fonds aux activités proprement criminelles: trafic d'armes et de drogue, vols, fraudes bancaires. Il n'est pas rare de voir des criminels conclure une alliance de circonstance avec des djihadistes. Ils forment alors un nexus difficile à départager et à combattre.

Une chose est certaine, l'argent - en provenance du Qatar, d'Arabie saoudite, d'Iran ou d'ailleurs - circule à travers des circuits divers, transparents ou opaques, et aboutit, malgré les mesures législatives et policières adoptées depuis 2001, entre les mains de groupes ou de cellules terroristes islamistes. Il serait sans doute plus facile de les combattre si on pouvait identifier et nommer publiquement tous leurs commanditaires.

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