Il faut bien se rendre à l'évidence. L'Europe et les États-Unis sont maintenant déterminés à tourner la page sur la crise ukrainienne afin de reprendre leurs relations avec la Russie. Le président ukrainien Petro Porochenko en fera l'amer constat aujourd'hui à Milan lors de sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine.

C'est la deuxième fois que les deux leaders se rencontrent depuis le mois d'août. Entre temps, le gouvernement ukrainien et les rebelles prorusses de l'est du pays ont signé un accord de cessez-le-feu dont les principaux éléments portent sur une plus grande autonomie de l'est, le retrait des armements, le contrôle de la frontière russo-ukrainienne par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la poursuite des libérations de prisonniers.

Même s'ils n'obtiennent pas l'indépendance, l'accord est au bénéfice des rebelles et à la satisfaction de la Russie, grande ordonnatrice des troubles. Aujourd'hui à Milan, Porochenko et Poutine attacheront les dernières ficelles de cet accord dont une des plus importantes reste la fin des combats qui continuent à faire rage.

Depuis le début de la crise, les Ukrainiens ont fait le maximum pour mobiliser la solidarité internationale autour de leur cause. Des sanctions sévères ont été adoptées contre la Russie, et Kiev a reçu une aide importante pour son économie comme pour ses forces armées. Mais, le coeur n'y est plus, ni du côté occidental, ni même en Ukraine.

D'ailleurs, les médias occidentaux sont de plus en plus discrets sur la crise ukrainienne.

Les Européens ont toujours été réservés sur les sanctions contre la Russie. Contrairement aux Américains et aux Canadiens, ce sont eux qui avaient le plus à perdre. On dit même que l'Allemagne entre en récession à cause de ces sanctions. Dans l'ancienne Europe de l'Est, plusieurs pays ont maintenant l'intention de renouer avec Moscou. La Slovaquie, la Hongrie, la République tchèque, la Bulgarie et même la Pologne veulent dorénavant limiter leurs pertes, au point même de refuser l'offre de l'OTAN de déployer des troupes sur leur territoire pour faire face à la «menace» russe. En Serbie, un pays candidat à l'adhésion à l'UE, Poutine a été triomphalement reçu hier.

Pour sa part, Washington a tempéré ses ardeurs. En pointe du combat contre l'ancien régime prorusse à Kiev puis contre les agissements de la Russie, les États-Unis ont adopté un profil plus discret. Ils ont même annoncé cette semaine avoir constaté le retrait des troupes russes d'Ukraine et de la zone frontalière, un premier pas vers la réalisation «de conditions préalables à la levée des sanctions», a dit John Kerry. Quel changement de discours! Visiblement, les Américains ont d'autres préoccupations au Proche-Orient, en Iran et en Asie de l'Est et ils sollicitent la coopération de la Russie pour y faire face.

De son côté, l'Ukraine a besoin d'un environnement apaisé pour sortir d'une pauvreté qu'on ne retrouve nulle part en Europe. Les électeurs se rendront aux urnes le 26 octobre pour des élections législatives, et tout indique que le parti pro-européen et pro-paix de Porochenko l'emportera largement. Le président sait que tout est à reconstruire: l'État, l'armée, l'économie, les infrastructures.

Pour y arriver, Porochenko doit mettre en oeuvre l'accord avec les rebelles et la Russie. C'est d'ailleurs la position qu'ont adoptée les chefs des cinq grandes puissances - France, Allemagne, États-Unis, Grande-Bretagne et Italie - mercredi lors d'une conversation téléphonique. Les cinq dirigeants ont insisté «sur la relance du dialogue national et la poursuite de la décentralisation», deux thèmes chers à Vladimir Poutine. Hollande, Merkel et Renzi seront à Milan pour rappeler au président ukrainien la voie à suivre et les dures lois de la géopolitique.

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