Le Canada participera-t-il à une offensive militaire en Irak? Cette semaine, ministres et porte-parole ont répété que le gouvernement examinait les options sur son engagement et que la décision n'était pas prise. Ces déclarations révèlent une étrange indécision de la part d'un premier ministre à la rhétorique militariste.

La crise déclenchée par le groupe terroriste État islamique a commencé au début de l'année et a pris une dimension internationale cet été au moment où ses combattants fonçaient sur Bagdad. La menace représentée par l'EI, sans doute très exagérée, a quand même secoué le monde arabe et les Occidentaux. Et ici, la séquence chronologique de l'engagement successif des États dans l'intervention militaire est importante à suivre pour éclairer le flottement qui règne à Ottawa.

Dès le 8 août, les États-Unis ont lancé des attaques aériennes ciblées afin de détruire des installations du groupe terroriste et appuyer les forces armées irakiennes et kurdes dans leur entreprise de reconquête du territoire. En parallèle, Washington a mobilisé ses alliés arabes et européens pour constituer une coalition internationale. Un mois plus tard, à la mi-septembre, la France a rejoint l'opération militaire, suivie par cinq pays du Golfe. La Belgique a emboîté le pas, déployant ses avions dans la région avant même que le Parlement donne son approbation. L'Australie, le Danemark et les Pays-Bas ont fait de même.

La décision de ces pays d'entrer en guerre si rapidement a été le résultat d'un processus de décision politique et de planification opérationnelle parfaitement huilé. Les leaders de ces pays ont travaillé en amont avec les Américains et lorsque le président Barack Obama les a sollicités par lettre ils étaient déjà prêts et n'ont pas hésité une minute.

Harper prend son temps

Pendant ce temps, à Ottawa, que fait-on? Le premier ministre a bien autorisé l'envoi de quelques dizaines de conseillers, mais on sent qu'il hésite à faire plus. On est loin de son enthousiasme lors du conflit libyen de 2011. À l'époque, avions de combat et navires de guerre avaient été déployés en quelques jours et les bombardements avaient commencé à peine un mois après le début de la révolte contre le régime Kadhafi. Le premier ministre avait couronné cette participation par une grande parade militaire dans les rues d'Ottawa.

Trois ans plus tard, devant les agissements de l'EI, Stephen Harper prend son temps. Il examine la lettre du président, discute le format d'un éventuel rôle de combat avec les officiers de l'état-major, consulte ses députés, bataille avec les chefs de l'opposition. Lorsqu'on s'apprête à entrer en guerre, c'est là une démarche responsable et on ne le lui reprochera pas. Mais quelque chose cloche.

Le premier ministre croit-il sincèrement aux bienfaits de cette intervention? Craint-il les réactions de l'opinion publique alors que le Canada entre dans une année électorale? Fait-il attendre indûment un président américain avec qui la relation est tout sauf chaleureuse? Ce sont des questions qui restent pour l'instant sans réponse.

La rumeur veut que Stephen Harper annonce aujourd'hui le format de la participation canadienne. N'est-ce pas un peu trop tard? Depuis le début de l'intervention multinationale il y a deux mois, la plupart des cibles ont été détruites.

«L'élément de surprise a disparu», a dit la semaine dernière le colonel à la retraite Paul Maillet, qui soulignait que l'EI a déjà affirmé qu'il disperserait son quartier général et toutes ses autres activités administratives. «Vous savez, dans ce type de campagne, je pense que nous avons presque dépassé le stade où les forces aériennes ont une quelconque utilité. Il faudrait qu'elles s'arrêtent et laissent l'armée irakienne faire son travail.»

Les chasseurs CF-18 arriveront sur place dans une ou deux semaines. Pour quoi faire au juste? La question reste entière.

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