Barack Obama n'avait pas le choix. La soudaine irruption de l'État islamique (EI) dans le jeu géopolitique au Proche-Orient, la menace que ce groupe poserait au gouvernement irakien et l'incapacité ou le refus des États de la région à agir ne souffraient plus d'inaction. Mercredi soir, le président américain a donc dévoilé sa stratégie pour contenir et, si possible, détruire cette organisation terroriste.

L'EI est né en Irak des suites de la guerre criminelle déclenchée par Bush et Blair en 2003. Il s'est métamorphosé au cours des ans et a profité de la guerre civile en Syrie pour étendre ses activités dans ce pays. Cet été, il a installé un califat sur certains territoires en Syrie et en Irak et menacé le gouvernement irakien lors d'une offensive stoppée par des bombardements américains.

Les avis divergent sur la dangerosité de l'EI. Pour le Parti républicain et certains centres de recherche de droite, l'EI est le «nouvel» ennemi dont les agissements agressifs justifient une offensive militaire immédiate et l'augmentation des budgets de défense. Pour Henry Kissinger, l'EI est une nuisance, sérieuse, mais parfaitement gérable. L'ancien secrétaire d'État est plus proche de la réalité que les idéologues fanatisés de la droite américaine.

Le groupe terroriste a déjà imposé son ordre politique, moral et religieux aux populations sous son contrôle. Il a saisi quantité d'armes appartenant à l'armée irakienne et s'est emparé d'un butin de guerre évalué à plus d'un milliard. Il a mis la main sur des puits de pétrole. Mais est-ce à dire pour autant que ses succès sont irrésistibles et qu'il menace la sécurité du Proche-Orient et de l'Occident?

L'EI a peut-être installé un embryon d'État à cheval entre l'Irak et la Syrie, ses capacités à extraire et à mobiliser des ressources afin de le soutenir ne sont toutefois pas illimitées. Même en comptant sur les réseaux informels si présents au Proche-Orient, l'EI ne peut perdurer que s'il consolide ses positions et prend de l'expansion. Or, il recule déjà, surtout en Irak, grâce aux bombardements américains.

Une région instable

L'EI pourra-t-il être éliminé grâce à la coalition internationale dont la création a été annoncée par Obama? C'est ce qu'on espère, car celle-ci a les moyens matériels et financiers pour en venir à bout. Mais cette coalition souffre d'une faiblesse qui peut empêcher une action efficace. Elle repose sur le rôle clé que doivent jouer les pays arabes et de la région. Le président américain a été très clair sur ce point. «Ce n'est pas notre guerre personnelle, a-t-il dit. La puissance américaine peut apporter une contribution décisive, mais nous ne pouvons faire cette guerre à la place des Irakiens. Nous ne pouvons pas non plus remplacer nos partenaires arabes pour rendre la région plus sûre.»

Et c'est là le noeud du problème. Les États de la région sont en lutte les uns contre les autres pour le leadership régional. Dès lors, l'EI n'est fort que de la division ou de la complicité des autres, ce qui a expliqué son expansion fulgurante jusqu'à cet été. Comment interpréter autrement l'immobilisme de la Turquie, de l'Iran et de l'Arabie saoudite avec leurs millions de soldats et leurs centaines d'avions de chasse, ou les atermoiements de l'Irak et de ses «alliés» kurdes, avec leurs 600 000 hommes, devant 10 000 djihadistes dépenaillés, mais déterminés?

Obama et sa coalition auront fort à faire politiquement pour abattre ce monstre. Déjà la coalition se fragilise. La Turquie vient de renoncer à participer à des actions militaires et l'Iran accuse certains pays de vouloir profiter de la situation pour imposer leur domination en Syrie et en Irak.

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