L'OTAN vient de lancer le débat sur le juste niveau des dépenses militaires occidentales à atteindre pour faire face aux menaces actuelles. Malheureusement, ce débat s'ouvre dans un climat malsain où les arguments fondés sur la peur et la manipulation de l'information éclipsent les analyses sérieuses et raisonnées.

Hier, au Pays de Galles, les 28 membres de l'OTAN ont adopté un communiqué final dans lequel ils s'engagent à consacrer 2% de leur PIB aux dépenses militaires. Ce n'est pas la première fois que les membres de l'OTAN fixent cet objectif. Il est au centre d'un débat récurrent depuis des décennies et la majorité des membres de l'Alliance ne l'a jamais atteint. La raison de cet «échec», si on peut parler d'échec, est fort simple: cet objectif, comme celui du 0,7% du PIB qui devrait être consacré à l'aide au développement, est un bricolage politique qui n'a rien à voir avec les réalités géopolitiques et la nature des dépenses militaires.

Aujourd'hui, comme au pire moment de la guerre froide, au début des années 80, les partisans du 2% font valoir la dangerosité de la situation internationale pour inciter les gouvernements à augmenter les dépenses militaires. Ils montrent du doigt l'agression de la Russie en Ukraine, la brutalité des terroristes de l'État islamique, les visées expansionnistes de la Chine en Asie, la détermination de l'Iran à acquérir la bombe, les méfaits des groupes terroristes dans le Sahel.

Une position absurde

C'est vrai, cela fait beaucoup, mais toutes ces situations sont particulières et ne peuvent être confondues en un seul danger. C'est pourtant ce que font les partisans du réarmement. Hier, dans le Washington Post, l'ancien candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, a brandi cet épouvantail pour réclamer des forces armées encore plus puissantes. Cette position est absurde. Examinons les chiffres.

Selon les données de l'OTAN, seuls quatre de ses membres consacrent plus de 2% de leur PIB aux dépenses militaires: États-Unis, Grande-Bretagne, Grèce et Estonie. Le Canada dépasse légèrement le 1%. Mais le pourcentage du PIB est un outil de mesure trompeur de la puissance militaire. En effet, les budgets militaires des 28 pays membres de l'OTAN pour l'année 2013 totalisent plus de 1000 milliards de dollars, dont 735 milliards pour les seuls États-Unis. Ces sommes ne prennent pas en considération les budgets consacrés à la lutte antiterroriste, aux services secrets et aux agences de renseignements. La Chine consacre 140 milliards à sa défense, la Russie 80 milliards.

Bien entendu, ces chiffres ne disent pas tout. Chaque budget totalise les dépenses liées au personnel, aux retraites, aux infrastructures et à l'achat de matériel. C'est ce dernier poste budgétaire qui permet de bien évaluer la puissance d'une armée. Ainsi, depuis 20 ans, les États-Unis consacrent autour de 25% de leur budget militaire à l'achat de matériel, le Canada entre 15 et 20%. Pour les Américains, cela représente tout de même une moyenne de 150 milliards de dollars d'achat de matériel chaque année depuis 1990.

Or, malgré ces énormes budgets, certains Occidentaux ont l'impression que les membres de l'OTAN désarment. Et il est vrai que le nombre de chars, d'avions, de navires diminue. Mais est-ce la faute des Russes et des Chinois si nous sommes dans la situation absurde où, comme au Canada, le coût du matériel militaire est devenu si prohibitif que nous achetons aujourd'hui 65 chasseurs F-35 alors qu'il y a 30 ans nous pouvions acquérir 130 avions CF-18?

Depuis la crise de 2008, les Occidentaux réduisent leurs dépenses militaires. Est-ce inquiétant? Non. Les dépenses actuelles sont suffisantes pour maintenir la supériorité des armées occidentales compte tenu des menaces réelles et non fantasmées.

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