Le président Barack Obama est en Asie cette semaine. Il se rend au Japon, en Corée du Sud, aux Philippines et en Malaisie. Cette visite est l'occasion pour le président de confirmer le basculement vers l'Asie du centre de gravité économique et militaire américain malgré les tensions en Europe au sujet de l'Ukraine. Le mouvement est aussi inéluctable qu'essentiel pour les États-Unis.

À première vue, ce n'est pas d'Asie que les mauvaises nouvelles font la une, mais plutôt du Vieux Continent, c'est-à-dire de l'Europe et de ses marches, le Maghreb et le Proche-Orient. Les diplomates américains ne cessent de faire l'aller-retour entre Washington-Paris-Moscou-Le Caire afin de relancer les négociations israélo-palestiniennes ou de tenter d'éteindre des feux en Libye, en Syrie et maintenant en Ukraine.

La montée des tensions dans ces régions et l'agressivité de la Russie ont d'ailleurs fait dire au ministre polonais de la Défense en visite à Washington que les États-Unis devaient impérativement «repivoter» leur positionnement stratégique vers l'Europe. Cette déclaration, aussi ridicule que déplacée, ne trouvera aucune écoute tant elle ne correspond pas à la situation actuelle: le centre du monde est bien situé en Asie.

Lorsque Barack Obama annonce en 2011 la stratégie du pivot asiatique, il prend acte d'un état de fait. Les relations commerciales avec les pays de la région Asie-Pacifique se développent plus rapidement qu'avec les Amériques et l'Europe. À tel point d'ailleurs que Washington a lancé des négociations pour la signature d'un accord de libre-échange à travers son initiative de Partenariat économique transpacifique. De plus en plus, la prospérité des États-Unis est liée à cette région.

Si l'économie est un des piliers de la stratégie du pivot, l'autre est la sécurité. Les points les plus chauds de la planète se trouvent sur le continent asiatique. Le conflit israélo-palestinien perdure, la Syrie et l'Irak sont à feu et à sang, l'Afghanistan et le Pakistan sont aux prises avec des rébellions extrêmement violentes, et les dyades conflictuelles sont nombreuses et recèlent un potentiel d'autant plus explosif qu'elles reposent sur la détention d'armes nucléaires: Israël-Iran, Inde-Pakistan, Chine-Taïwan, les deux Corées. Et pour coiffer le tout, la montée en puissance de la Chine irrite, sinon effraie, plusieurs pays dont le Japon.

Les Américains, longtemps maîtres du jeu dans cette partie du monde, savent qu'ils ne sont plus seuls. En particulier, ils cherchent une réponse à la montée de la Chine, une réponse qui protège leurs intérêts tout en ne contrariant pas ceux des Chinois. D'où le jeu d'équilibriste auquel Obama doit se prêter. Au Japon, il vient de prendre position dans le conflit opposant Tokyo à Pékin au sujet des îles Senkaku tout en appelant les deux parties à la résolution pacifique des différends par le dialogue. Fera-t-il de même au sujet des autres zones de friction entre la Chine et le Vietnam, la Malaisie et les Philippines sans apparaître comme un gendarme trop arrogant?

Contrairement au continent européen, il n'y a en Asie aucun mécanisme institutionnel continental fort (OTAN, UE et OSCE) régulant les relations économiques, politiques et militaires entre pays. En fait, la création d'un tel mécanisme se heurterait à un premier obstacle, celui de la conciliation des intérêts de ses futurs membres. Qu'est-ce qui unit au juste l'Iran, l'Inde, la Chine et le Japon?

Si les relations économiques en Asie se prêtent facilement au multilatéralisme, la sécurité repose toujours sur des relations à la carte. Les États-Unis sont au coeur de ce système. Au fil des ans, la moitié de la flotte de la marine américaine a trouvé ancrage sur les pourtours de l'océan Pacifique, et ce niveau montera à 60% en 2020. Cela rassure. Mais les États-Unis pourront-ils et voudront-ils assumer ce rôle longtemps, compte tenu de leurs contraintes budgétaires et devant la puissance chinoise?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion