L'Histoire est-elle en train de se répéter ? Aujourd'hui, en Centrafrique, on entend des habitants affirmer leur volonté de tuer des musulmans. Il y a 20 ans, au Rwanda, le pouvoir hutu préparait le génocide des Tutsis, qui commença le 7 avril 1994. Dans un pays, c'est la religion qui est le marqueur de la haine, dans un autre ce fut l'ethnie.

Le génocide rwandais a choqué le monde entier même si, au lendemain de l'extermination des Juifs, tous avaient promis de lutter contre le crime de génocide en adoptant en 1948 une convention pour sa répression. Ce texte est resté largement lettre morte, et l'indignation soulevée au lendemain des massacres au Rwanda n'a pas empêché un autre génocide de se produire, un an plus tard, à Srebrenica, en Bosnie.

Pourtant, la communauté internationale dispose maintenant de tout un arsenal juridique et des moyens de le mettre en branle dès les premiers signes de génocide ou de crimes de masse. Et c'est vrai que la structure juridique est impressionnante. À la Convention de 1948 s'est ajoutée une nouvelle norme, la Responsabilité de protéger, pilotée par le Canada il y a 15 ans. Celle-ci invite les États à intervenir dans les affaires intérieures d'un autre État qui ne peut ou ne veut empêcher un génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre.

Un tribunal permanent, la Cour pénale internationale, et des tribunaux ad hoc sur le Rwanda, la Sierra Leone et l'ex-Yougoslavie ont été créés pour juger les criminels. Des chefs d'État en exercice, comme le président du Soudan, sont aujourd'hui sous le coup d'un mandat d'arrêt pour crime de génocide. Dans certaines opérations de paix, les Casques bleus ont pour mandat de protéger les civils et de capturer des criminels.

Et pourtant, des crimes à grande échelle se produisent encore sur la planète. En Syrie, la guerre civile a fait à ce jour 200 000 morts. Au Soudan du Sud, des centaines d'habitants sont tués dans l'indifférence générale. En Centrafrique, les populations musulmanes sont victimes de milices chrétiennes qui se vengent des exactions subies par la rébellion à majorité musulmane de la Séléka. Ce cycle infernal de violences est souvent le premier signe d'une catastrophe à venir, affirmait récemment à La Presse le général Roméo Dallaire, commandant des Casques bleus de l'ONU au Rwanda.

Si la structure juridique est en place pour faire face aux crimes de génocide ou aux crimes de masse, il faut une volonté politique et des moyens financiers et logistiques afin de les prévenir ou de les stopper. Or, soulignait lundi le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, « la communauté internationale se révèle souvent réticente à agir, parfois même lorsque des atrocités se produisent. » Les raisons peuvent varier, « cela va de notions différentes de l'intérêt national, à la complexité et aux risques d'une situation donnée, en passant par le sentiment de manquer de moyens », disait-il.

Et les auteurs de crimes connaissent bien ces réticences. Les menaces et les pressions n'ont qu'une efficacité limitée sur des groupes et même des gouvernements convaincus qu'à Paris, à Montréal ou à New York, personne ne veut mourir pour le Rwanda ou la Centrafrique.

Y a-t-il risque de génocide en Centrafrique ? La question se pose au moment où la haine entre communautés religieuses a atteint un point tel que l'ONU commence à évacuer des musulmans vers des secteurs plus sûrs. En même temps, il y a sur place quelque 8000 soldats français et africains, ce qui n'était pas le cas au Rwanda.

Malgré les demandes de renforts, le Canada, lui, est totalement absent sur le terrain, le gouvernement étant plus préoccupé par l'Ukraine et le vote des Canadiens d'origine ukrainienne. Il n'y a pas de Centrafricains ici, donc on s'en lave les mains. C'est cette indifférence qui permet la commission du crime.

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