L'atmosphère change envers Cuba: une poignée de main entre Obama et Raul Castro, un sondage américain positif sur les relations avec Cuba, le dégel de la coopération entre l'île et l'Union européenne. Ces mesures, petites et grandes, ne modifieront en rien le quotidien immédiat des Cubains, mais elles sont autant de lueurs d'espoir pour un peuple en pleine transition politique et économique et certainement soucieux de vivre enfin dans un pays normal.

Les Américains, et parmi les plus hauts placés, sont de plus en plus nombreux à croire que l'embargo contre Cuba doit être levé et les relations normalisées. Barack Obama le sait pertinemment, et ce n'est pas un hasard si, lors des obsèques de Nelson Mandela, il s'est tourné vers le président cubain afin de lui serrer la main. L'occasion était trop belle de prolonger l'esprit du leader sud-africain connu pour ses gestes de réconciliation.

Mais au-delà du symbole, ce geste représente une réalité aujourd'hui appuyée par un sondage publié mardi dans le New York Times: les Américains veulent tourner la page sur soixante ans d'une relation tumultueuse, parfois même sanglante, et renouer les liens. Démocrates et Républicains confondus, ils sont 56% à le souhaiter et, chose plus surprenante, 63% en Floride et 62% parmi les Latinos.

Les États-Unis et Cuba entretiennent toujours un lourd passif. À l'instauration du communisme à Cuba et aux menées révolutionnaires castristes en Amérique latine et en Afrique, les Américains ont répondu par une succession de sanctions et d'interdits dont la plus scélérate est l'inscription du pays sur la liste des États soutenant le terrorisme, alors que Washington ne s'est jamais gêné d'entretenir de bonnes relations avec des régimes criminels et terroristes comme celui de l'apartheid en Afrique du Sud ou du général Pinochet au Chili. Les deux côtés en ont gardé de profondes rancunes.

La relation n'a pourtant jamais été totalement rompue. Tout en maintenant la rupture des relations diplomatiques, Jimmy Carter a autorisé l'échange de diplomates entre les deux pays. Au cours des vingt dernières années, les relations commerciales se sont développées et l'embargo a été allégé. De plus en plus de villes américaines ont une liaison aérienne avec Cuba.

De son côté, Cuba a renoncé à ses aventures extérieures pour se tourner vers le développement de son économie. Le pays reste sans doute égalitaire, mais il est pauvre. Son économie, essentiellement fondée sur le tourisme et les exportations de sucre et de quelques minerais, est en crise, d'où les mesures de libéralisation adoptées par les frères Castro depuis dix ans. Il a besoin d'investissements, et l'annonce lundi par l'Union européenne de la mise en place d'un processus de normalisation des relations avec Cuba est la bienvenue. Le dialogue pourrait déboucher d'ici un an ou deux sur la signature d'accords en matière de commerce et de relations économiques. L'UE est déjà le premier partenaire commercial de Cuba, le Canada est le deuxième.

Tous ces gestes de bonne volonté appellent une contrepartie de la part de Cuba: il faut des évolutions notables en matière de droits politiques et humains afin d'en bénéficier pleinement. Or, si le régime a laissé apparaître au cours des ans un espace de liberté, cet espace demeure très réduit et la répression est trop souvent au rendez-vous. Ainsi, lors du sommet des États d'Amérique latine et des Caraïbes, en janvier, le régime a été incapable de résister à la tentation du raid policier et a arrêté une centaine d'opposants. Les vieilles habitudes ont la vie dure.

Cuba demeure une dictature, et les frères Castro ont tout fait pour maintenir l'ordre politique actuel et assurer sa pérennité après leur disparition. Il reste à voir si les Cubains en voudront toujours.

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