Le président Bachar Al-Assad, accusé encore cette semaine de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, est-il en passe de redevenir fréquentable? Au moins trois indices le laissent croire.

La Syrie respecte à la lettre son engagement de détruire ses armes chimiques, engagement contenu dans un accord négocié entre Américains et Russes en septembre à la suite de l'attaque chimique du 21 août dernier en banlieue de Damas, où plusieurs centaines de personnes sont mortes. 

Les deux grandes puissances - spécialistes des armes chimiques - ont bien fait les choses. L'accord prévoit un calendrier réaliste et crédible pour l'identification, le démantèlement et la destruction des stocks d'ici juin 2014. À ce jour, Damas en respecte toutes les étapes, au point où les États-Unis cherchent désespérément des partenaires qui accepteraient d'entreposer les stocks avant de les détruire.

Pendant ce temps, l'opposition piétine, se divise et se radicalise. Il y a un an, au Maroc, lors d'une rencontre de soutien, elle triomphait. Les Américains laissaient même entendre que Damas allait tomber un mois plus tard. L'euphorie est vite retombée, même si l'attaque chimique d'août avait laissé croire un moment qu'un déluge de bombes américaines et françaises sur les positions gouvernementales syriennes ouvrirait le chemin du pouvoir aux rebelles. 

Depuis, le régime a repris des forces, et les rebelles n'arrivent toujours pas à présenter un front uni. Il y a même deux groupes qui roulent pour al-Qaeda et n'entendent à aucun prix jouer le jeu de l'unité.

Ce paysage, où le boucher de Damas apparaît «raisonnable» et où l'opposition perd en crédibilité, explique sans doute pourquoi, loin des caméras, des diplomates occidentaux retournent chaque jour à Damas pour rétablir les relations avec le président syrien et ses collaborateurs. 

Ceux qui font le déplacement ne sont pas encore les représentants des grandes puissances, seulement de petits pays, comme la République tchèque, le Danemark, la Roumanie ou l'Autriche. Les contacts sont discrets, mais bien réels, et le régime en profite pour rappeler qu'il est moins isolé que certains le prétendent.

Les Occidentaux sont à la fois inquiets et prévoyants. Ils n'apprécient pas ce qui se passe sur le terrain et veulent ménager l'avenir en prévision de la conférence de paix de Genève le 22 janvier prochain. 

Le champ de bataille est devenu un maelstrom où les combattants d'al-Qaeda et des centaines de djihadistes venus d'Europe se mêlent à ceux de la rébellion syrienne et en font un mouvement dont les faits et gestes deviennent chaque jour plus difficile à contrôler pour les Occidentaux. 

Ces derniers voient donc la nécessité de retisser des liens avec le président syrien afin de sonder ses intentions à la veille de l'ouverture de la conférence de Genève, dont l'objectif est de pousser l'opposition et le régime à négocier l'avenir de la Syrie.

Que se dessine-t-il? Les Occidentaux semblent revoir à la baisse leurs attentes, entre autres celle du départ immédiat du président. La bonne conduite de Bachar Al-Assad relativement aux armes chimiques est sans doute le prétexte pour oublier cette exigence.

Et que dire du rôle de l'Iran, partisan du régime syrien, qui détient de nombreuses cartes permettant une sortie de crise? A-t-il, par exemple, influé sur le comportement du président syrien? L'Histoire dira si les négociations secrètes entre Américains et Iraniens sur le nucléaire portaient uniquement sur cette question ou si les contours d'une paix en Syrie ont fait l'objet d'un marchandage.

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