BANGUI - Il y a une Afrique qui marche. Il faut en parler afin de chasser l'impression que ce continent n'est qu'une source de mauvaises nouvelles. Il y a aussi une Afrique qui ne marche pas, au point où l'on se demande comment intervenir pour lui venir en aide.

La République centrafricaine est un de ces pays où le temps s'est arrêté. On dit même, ici à Bangui, la capitale, que l'horloge a reculé de 40 ans. Selon la Fondation Mo Ibrahim sur la bonne gouvernance, la Centrafrique est, avec le Tchad, le Congo démocratique, l'Érythrée et la Somalie, en tête de liste des États en déliquescence du continent et de la planète. 

En fait, entre ces cinq pays, il faut même faire une distinction: d'un côté la Somalie, toujours en proie à l'anarchie et au terrorisme, et la Centrafrique sur le point d'y ressembler, et de l'autre côté, les trois autres qui tentent avec des fortunes diverses de se reconstruire.

La Centrafrique est aux prises depuis vingt ans avec une instabilité politique et militaire chronique. De rébellions militaires en coups d'État, d'insurrections rebelles en interventions étrangères, le pays ne fait que s'enfoncer, malgré une présence internationale permanente. La Centrafrique détient le record du monde pour le déploiement de forces de maintien de la paix: onze missions depuis 1998, et l'ONU en prépare une douzième. 

Malgré cela, rien n'y fait. Les élites se disputent le pouvoir et les quelques richesses sans aucune considération pour les quatre millions de Centrafricains. Dès qu'un groupe prend le pouvoir, il donne naissance à une rébellion qui le déloge, et ce groupe est à son tour délogé quelques années plus tard.

Ce cycle infernal a conduit la Centrafrique là où elle est présentement. En août dernier, de passage à Bangui, un représentant de l'ONU a résumé en quelques mots l'ampleur du désastre: «L'État n'existe tout simplement pas en dehors de la capitale. Au-delà de Bangui, il n'y a ni police, ni système judiciaire, ni services sociaux. La sécurité est pratiquement inexistante et la population vit dans un état de peur permanent», déclarait-il.

Le dernier groupe rebelle à avoir pris le pouvoir, la coalition Séléka, a tout dévasté sur son passage lors de sa marche sur la capitale en mars dernier. Les préfectures, les écoles, les églises, ont été pillées et brûlées, tout comme les archives. L'ONU, présente au pays depuis treize ans, n'a pas été en mesure de stopper la descente aux enfers. Elle assume le blâme, mais ceux qui auraient pu agir - les membres du Conseil de sécurité - ont tout simplement oublié le pays. Ils avaient d'autres urgences: le 11 septembre, l'Afghanistan, l'Irak, le Congo, la Côte d'Ivoire.

Que faire alors? La solution régionale a été appliquée, sans résultats. Les pays de la Communauté économique des États d'Afrique centrale n'ont jamais réussi à s'engager massivement pour aider le pays et se sont souvent divisés en prenant parti dans les luttes entre factions. 

La dernière crise a, semble-t-il, secoué les consciences. À l'initiative de la France, l'ONU vient d'autoriser l'Union africaine à déployer une force de 3500 militaires. Dans quelques semaines, une opération de paix onusienne de plus grande envergure devrait s'installer. Elle ne va pas chômer.

Le plus urgent est d'éviter la «somalisation» du pays, c'est-à-dire son morcellement en de multiples entités toutes aussi faibles les unes que les autres, et donc susceptibles d'être la proie de groupes militaires ou terroristes bien organisés. Les djihadistes du Sahel et du Nigeria seraient en mesure de frapper ici, dit-on. Ensuite, convaincre le Tchad de jouer un rôle plus positif dans la résolution du conflit. Ce pays a trop souvent fait et défait les gouvernements en place. Enfin, entamer le relèvement du pays. Tout cela prendra des années.

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