Cette semaine, coup sur coup, Ottawa a durement critiqué le Sri Lanka et les îles Maldives et menacé de couper les vivres au Commonwealth. L'année dernière, le Canada avait suspendu tous liens avec l'Iran. Chaque fois, Stephen Harper a invoqué la violation des droits de la personne comme une des raisons justifiant ses décisions. Et dans chaque cas, il faut dire que le premier ministre avait raison. Mais la méthode Harper a ses limites.

L'Iran et le Sri Lanka figurent parmi les régimes les plus brutaux de la planète. Régulièrement, Amnistie Internationale et Human Rights Watch publient des rapports accablants sur le traitement réservé aux opposants et aux minorités. En ce qui concerne l'Iran, il est aussi accusé de soutenir le terrorisme international, de violer ses engagements en matière de non-prolifération nucléaire et de vouloir détruire Israël.

Au Sri Lanka, le régime dérive rapidement vers un autoritarisme violent et criminel. En 2009, le gouvernement a mis fin à 40 ans de conflit avec un groupe révolutionnaire tamoul: pas moins de 40 000 personnes auraient alors été tuées. L'ONU a exigé une enquête, sans résultat. Depuis, les violations des droits de la personne, y compris des disparitions forcées, des exécutions sommaires et des actes de torture se poursuivent.

Plusieurs fois, le Canada a mis en garde le Sri Lanka, et lorsque ce pays a été choisi pour accueillir le sommet du Commonwealth de novembre prochain, Ottawa a menacé de boycotter l'événement à moins d'une amélioration de la situation. À l'évidence, cela ne s'est pas produit, et M. Harper, de passage à Bali lundi pour le sommet de l'APEC, a annoncé qu'il ne se rendrait pas au sommet.

Plus encore, le sénateur Hugh Segal, envoyé spécial du Canada auprès du Commonwealth, a accusé dans le Globe and Mail le secrétaire général de l'organisation «d'agir en compère, en faire-valoir, des dirigeants sri-lankais en se portant à la défense de toutes leurs erreurs». Mécontent de l'attitude du Commonwealth dans ce dossier, Harper a demandé une révision de la contribution financière du Canada à cette organisation.

Sur les îles Maldives, notre bouillant ministre des Affaires étrangères, John Baird, a soulevé devant le président de ce pays des questions à propos du premier tour des élections présidentielles du 7 septembre. La discussion n'était pas très cordiale. Le président s'en est plaint à Stephen Harper, mais la Cour suprême des Maldives a donné raison à Baird en annulant ce premier tour.

Un vieux principe des relations internationales veut que les États n'ont pas d'amis, que des intérêts. C'est toujours vrai, mais l'irruption il y a

25 ans des questions de respect de droits de la personne est venue brouiller les cartes. Plus aucun pays digne de ce nom ne peut interagir avec le monde sans se préoccuper de cet aspect essentiel de notre vouloir-vivre collectif. Le problème, c'est que son application est souvent à géométrie variable. Dès son accession au pouvoir en 2006, Harper a boudé la Chine pendant quatre ans pour ensuite changer son fusil d'épaule.

Un autre principe veut que le dialogue, même avec l'ennemi, soit préférable au boycottage. C'est la multiplication des échanges avec le bloc communiste qui a été un facteur dans son effondrement.

Le premier ministre conservateur d'Australie sera au Sri Lanka de même que son homologue néo-zélandais. «Si nous décidions d'imposer aux autres les standards de la Nouvelle-Zélande avant la tenue d'une rencontre, il y a bien des pays où nous n'irions pas», a dit le Néo-Zélandais. Et c'est bien sur cette base que la méthode Harper, aussi louable soit-elle, trouve ses limites.

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