Pour la première fois en 35 ans, le secrétaire d'État américain rencontre aujourd'hui son homologue iranien. Le geste est historique, et chacun se demande si on assiste à un rapprochement entre les deux pays aussi important que celui entre la Chine et les États-Unis en 1972.

La comparaison est tentante, mais elle ne tient pas. Téhéran n'est pas Pékin, et l'Iran n'a pas le même poids sur l'échiquier mondial que la Chine. Pourtant...

La rencontre entre les deux hommes n'est pas fortuite. Elle est le résultat d'un changement spectaculaire à la tête de l'État iranien: l'élection en juin du nouveau président Hassan Rohani. Depuis, l'Iran et les États-Unis ne cessent de s'échanger de bons mots: les deux pays veulent casser la glace et ils sont dirigés par des hommes déterminés à changer les choses.

Rohani a des atouts. Entre 2003 et 2005, il est chargé de négocier avec les Occidentaux un accord sur le controversé programme nucléaire iranien. On apprécie alors ses talents de négociateur, et il laisse un excellent souvenir. Les durs du régime écartent Rohani qui se fait ensuite discret tout en appuyant les candidats réformateurs lors de la présidentielle de 2009. Au début de l'année, il profite de la disqualification de candidats réformateurs pour se présenter à l'élection présidentielle.

Son discours détonne par rapport à celui de son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad. Il parle de réforme, de liberté, d'ouverture vers l'Occident et peut dire tout cela en anglais.

À Washington, Obama saisit l'occasion. Dès l'élection de Rohani, il lui envoie un message de félicitations, du jamais vu depuis la révolution de 1979. Les deux hommes s'échangent alors des lettres.

Tout est donc en place pour un rapprochement. Du moins, tout à l'air d'être en place. Mardi, la machine s'enraye, brièvement sans doute. Rohani et Obama sont à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU. Ils sont pratiquement à quelques mètres l'un de l'autre et tous les chefs d'État réunis attendent la poignée de main historique. Elle ne vient pas.

«Chaque chose en son temps», réagit la nouvelle porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. «Les Iraniens ont reculé, car la scène serait mal passée en Iran», répond une source américaine. Qu'importe. L'important est ailleurs, toujours à New York, mais loin de la folie médiatique du début de la semaine.

Les négociations sur le programme nucléaire militaire iranien reprennent ce matin entre les ministres des Affaires étrangères. John Kerry est de la partie, assis à la table et en face de son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif. Voilà maintenant près de 10 ans que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Allemagne, tentent sans succès de convaincre l'Iran d'abandonner son programme nucléaire militaire en retour d'une normalisation des relations diplomatiques et de la levée des sanctions.

Les Iraniens nient développer une filière militaire alors que les Occidentaux, soutenus par Israël, n'en croient rien. Ils ont raison. Un programme nucléaire civil peut facilement être détourné à des fins militaires, comme l'ont démontré les cas de la Corée du Nord, d'Israël, du Pakistan et de l'Inde.

Il n'échappe à personne que la confrontation entre l'Iran et l'Occident dépasse la question nucléaire. L'Iran est devenu depuis 25 ans un acteur central au Proche-Orient. Il exerce une influence directe en Irak, en Syrie, en Afghanistan, au Liban et dans le conflit israélo-palestinien, pour le meilleur ou pour le pire.

Au temps de l'alliance avec les États-Unis, l'Iran était le gendarme de la région. C'est cette position qu'il veut retrouver et l'Iran demande que ses intérêts soient reconnus et respectés. Obama en est conscient. François Hollande, en recevant Rohani mardi, fait de même.

Le décor est planté et, prudemment, une avenue s'ouvre vers une solution diplomatique.

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