On connaît maintenant les faits en Syrie. Les inspecteurs de l'ONU viennent d'établir hors de tout doute qu'une attaque chimique s'est bien déroulée à Damas le 21 août dernier. Cette enquête indépendante était nécessaire, car les accusations américaines et britanniques souffraient du discrédit jeté sur celles visant l'Irak il y a 10 ans.

Les faits, donc, sont établis même si les coupables ne sont pas définitivement démasqués. Il faut vivre avec ce constat.

Une deuxième étape commence. Au cours des prochains jours, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU étudieront une résolution balisant le processus d'identification et de destruction des armes chimiques du gouvernement syrien. Les membres du Conseil ont tout intérêt à ne pas faire traîner les choses, car le moment est à saisir. Damas accepte ce processus, et Washington et Moscou offrent un plan réaliste et crédible pour atteindre l'objectif.

La résolution devrait essentiellement reprendre le plan conçu à Genève samedi par les Américains et les Russes et qui comporte une série d'étapes, certes ambitieuses, mais tout à fait réalisables dans les délais impartis.

Ainsi, d'ici la fin de cette semaine, la Syrie doit soumettre une liste complète de ses armes chimiques, incluant les noms, les types et les quantités, les types de munitions et les lieux et la forme de stockage, et enfin, la liste des installations de recherche, de développement et de production. Comme le ministre syrien des Affaires étrangères était à Moscou avant la conclusion de l'accord américano-russe, gageons que ces informations sont déjà disponibles.

Lorsque la liste sera entre les mains des inspecteurs de l'ONU et de ses agences spécialisées, ceux-ci devront se déployer le plus rapidement possible en territoire contrôlé par le gouvernement syrien et procéder à l'identification physique des sites et à la destruction des équipements de production et de remplissage d'ici novembre.

Moscou et Washington ont déjà identifié une cinquantaine de sites. Cette étape du plan est la plus simple et la destruction des équipements et des centres de recherche est une chose relativement aisée et pratiquement sans danger pour les inspecteurs.

Enfin, l'étape la plus dangereuse et la plus délicate est la neutralisation et la destruction des agents chimiques et des armes. Une approche hybride est proposée: une partie du matériel sera détruite sur place alors qu'une autre partie sera, si possible, transportée à l'étranger pour y être détruite. Une dernière option est aussi envisagée: rassembler toutes les armes dans la région côtière de la Syrie et les détruire.

À l'été 2014 au plus tard, l'ensemble du programme syrien sera détruit. Ce délai semble un peut court, mais il est atteignable.

Si Américains et Russes ont établi une telle séquence de désarmement, c'est qu'ils connaissent la musique. Ils ont fabriqué et fabriquent encore des agents chimiques (au titre de la recherche afin d'élaborer des mesures de défense, bien entendu!). Ils savent exactement comment procéder quant au démantèlement d'un arsenal, et leurs experts ont tiré des leçons du désarmement de l'Irak et de la Libye.

Le plan est donc réaliste et crédible. Il reste encore à s'entendre sur le moment du recours à la force en cas de non-respect par la Syrie. Russes et Occidentaux divergent sur la séquence permettant ce recours et l'accord de Genève est ambigu sur ce point. Un compromis est toutefois possible.

Avec cet accord de Genève, Occidentaux et Russes écartent, pour l'instant, de l'attention médiatique la question des armes chimiques. Le conflit syrien, lui, se poursuit. Tous les acteurs de ce drame se retrouveront la semaine prochaine à New York lors de l'Assemblée générale de l'ONU afin de relancer les négociations de paix. Sans vraiment y croire.

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