Les élections présidentielles se sont terminées de manière heureuse au Mali. Après un moment d'hésitation, le candidat arrivé en deuxième place a reconnu lundi soir sa défaite et félicité le nouveau président élu Ibrahim Boubacar Keïta. C'est un moment rare en Afrique et il faut le souligner.

Il y a peu, le Mali a frôlé la mort. Le coup d'État de mars 2012 l'a affaibli, mais c'est bien la tentative en janvier dernier par des rebelles touaregs et des terroristes de s'emparer du pouvoir à Bamako qui a failli lui donner le coup de grâce. La classe politique n'a rien vu venir tellement elle était occupée à se disputer sur les règles d'un retour à un gouvernement élu et l'armée malienne était trop faible pour résister à l'assaut.

L'intervention française a sauvé le pays et le déploiement d'une mission de paix de l'ONU a marqué la volonté internationale d'accompagner les efforts visant à reconstruire les institutions et remettre le pays sur pieds.

Ibrahim Keïta aura fort à faire au cours de son mandat présidentiel qu'il a annoncé transitoire, une formule que certains ont interprétée comme la promesse de ne pas solliciter un autre mandat. On verra. Trois chantiers sont prioritaires pour le nouveau président.

Rétablir la paix. Le nouveau président est face à deux problèmes: la lutte contre les terroristes et la nécessaire prise en compte des revendications des gens du Nord afin d'éviter de nouvelles rebellions. Les terroristes - d'al-Qaïda et d'autres groupes - ont subi une dure défaite avec l'intervention française, mais leur capacité de nuisance est encore forte. Bamako et ses partenaires régionaux et internationaux devront mener cette lutte ensemble. Avec les gens du Nord, le gouvernement devra honorer l'accord signé le 18 juin dernier avec deux mouvements rebelles importants et qui stipule notamment l'ouverture dans les prochaines semaines de négociations de paix avec toutes les communautés du Nord. L'échec de ces pourparlers fera retomber le Mali dans l'antagonisme Nord-Sud.

Reconstruire l'État. Le Mali est un pays pauvre, mais il a des atouts. Son industrie minière - l'or, en particulier - fonctionne et l'exploration pétrolière donne des résultats prometteurs. L'agriculture est aussi florissante et la communauté internationale a promis plus de 4 milliards de dollars d'aide si les élections étaient un succès. Enfin, la société civile est très bien organisée et active. Alors, le président devra engager un processus de décentralisation afin de satisfaire les gens du Nord tout en créant des emplois pour la grande masse des chômeurs dans le Sud. Il devra réformer l'armée pour y intégrer des gens du Nord et, surtout, pour la tenir sous la coupe du pouvoir civil. Enfin, il lui faudra redynamiser la démocratie malienne en moralisant ses pratiques et en extirpant la corruption.

Gérer la présence étrangère. Cette présence est triple. Il y a les troupes françaises - 3000 militaires actuellement -, engagées dans la lutte au terrorisme et la stabilisation du pays, un contingent de quelque 12 000 Casques bleus de l'ONU destiné à maintenir la paix dans le Nord, et un contingent de 600 militaires européens dont le mandat est de former une nouvelle armée malienne. Le contingent français sera réduit à 1000 d'ici la fin de l'année mais, comme a dit le président Hollande, «il restera le temps qu'il faudra» afin de lutter contre les terroristes. Le président Keïta devra faire oeuvre de pédagogie afin de convaincre les Maliens de la nécessité de maintenir cette présence au moins pour les deux prochaines années.

La victoire est belle pour Keïta, mais la tâche est lourde, car son élection ne représente que la première étape d'un long processus visant au rétablissement d'une vie politique et économique normale au Mali.

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