Les nouvelles d'Afghanistan ne font plus la une. Elles sont même plutôt rares, ce qui ne veut pas dire que rien d'important ne s'y passe. Le président Hamid Karzaï vient de piquer toute une colère contre le gouvernement américain, à tel point que plusieurs se demandent si le lien de confiance établi entre eux depuis 2001 n'est pas complètement rompu, menaçant du coup l'étroite relation entre les deux pays.

Depuis un an déjà, les gouvernements afghan et américain négocient les termes d'un partenariat stratégique dont la pierre angulaire est le maintien d'une présence militaire américaine après le départ des troupes occidentales à la fin de 2014. Cette négociation se déroule dans des conditions très difficiles.

Les Américains veulent rester en Afghanistan pour plusieurs raisons. Le pays demeure instable, et les talibans maintiennent leurs positions malgré la montée en puissance des forces de sécurité afghanes. Sur le plan régional, les Américains veulent disposer d'une force militaire robuste afin de peser sur l'évolution du programme nucléaire en Iran et sur la situation politique et militaire au Pakistan.

Or, les Américains n'ont pas de territoire de repli autour de la région, contrairement à l'Irak. Là, toutes les troupes ont été évacuées, mais 15 000 militaires sont stationnés au Koweït, prêts à réagir. Washington est donc prêt à signer le partenariat avec Kaboul, mais à une condition: obtenir l'immunité pour les soldats stationnés en Afghanistan.

Pour Karzaï, cette condition est inacceptable. Le président afghan est un homme marqué. Même s'il a été élu deux fois à la présidence, personne en Afghanistan, et les talibans moins que les autres, n'oublie qu'il a été installé au pouvoir par les Américains après les attentats du 11 septembre. Karzaï cherche donc constamment à effacer cela en adoptant face aux Afghans un discours et des positions de plus en plus critiques envers les Américains.

Karzaï accuse régulièrement les forces américaines de «harasser, de persécuter, de torturer et même d'assassiner des gens innocents.» Il a même ordonné aux forces spéciales de quitter la province de Wardak où elles sont accusées par la population locale de couvrir les exactions des milices afghanes qu'elles forment. Les Américains n'ont pas l'intention d'obéir.

Humilié par les forces occupantes, Karzaï soupçonne les Américains d'utiliser tous les stratagèmes pour le forcer à accepter leurs conditions à la signature du partenariat stratégique, d'où sa colère de dimanche dernier. Selon le leader afghan, le pouvoir à Washington est à l'origine d'une campagne de «propagande» relayée par des centres de recherche et certains médias qui dépeignent l'Afghanistan de l'après-2014 comme un pays en proie au chaos et à la guerre civile. Samedi, de sanglants attentats à Kaboul, coïncidant avec l'arrivée du secrétaire américain à la Défense dans la capitale pour discuter du partenariat, ont fait déborder le vase.

«D'un côté, les talibans parlent avec les Américains, de l'autre côté ils posent des bombes à Kaboul, a-t-il dit. Ces attentats ne visaient pas à démontrer la force des talibans. Ils ont plutôt servi l'Amérique. Ces attentats font l'affaire des arguments en faveur du maintien des troupes après 2014. Ils visaient à prolonger la présence des troupes américaines en Afghanistan.»

Cette colère, tout à fait explicable compte tenu des relations difficiles avec les Américains, laissent les Occidentaux songeurs. Ils savent parfaitement que Karzaï a besoin de cette présence militaire pour maintenir le statu quo et négocier avec les talibans en position de force. En même temps, ses déclarations incendiaires rendent les relations américo-afghanes difficiles à gérer.

L'Américain Chuck Hagel n'a pas voulu commenter la colère de Karzaï. Il s'est contenté de dire que, dans cette région, tout était très compliqué. C'est un euphémisme.

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