Il y a deux ans déjà, le 5 février, des Syriens lançaient sur Facebook plusieurs appels à la démocratisation du pays. Le printemps arabe atteignait alors une des pires dictatures au monde. Quelques semaines plus tard, le régime de Bachar al-Assad réprimait dans le sang les premières manifestations. Depuis, la guerre s'est amplifiée.

Les dernières nouvelles de Syrie ne sont pas très bonnes, et tout indique que le conflit pourrait encore durer des mois, sinon des années. Selon Barah Mikaïl, un des meilleurs spécialistes de ce pays, le régime en place est solide. «La structuration militaire d'Assad est intacte, malgré les 30 000 désertions, dit-il. Sur le plan diplomatique, seulement trois ambassadeurs en poste à l'étranger ont fait défection. Surtout, sur le terrain, la situation est beaucoup plus nuancée et favorable à Assad qu'on veut bien le dire.»

Et pour ajouter à cette impression de solidité, un quotidien libanais avançait dernièrement que la femme du président syrien attend un enfant pour mars. Comme quoi Assad pense toujours que son avenir est solidement ancré en Syrie.

Évidemment, cette relative «bonne santé» du régime peut cacher ses faiblesses. Même à Damas, la capitale, les diplomates étrangers circulent difficilement et les officiels du régime sont constamment la cible d'attentats. Quelques régions du pays sont inaccessibles aux forces gouvernementales. Mais, dans l'ensemble, le gouvernement tient les grandes villes et ses attaques contre les insurgés sont de plus en plus dévastatrices.

Que se passe-t-il? En fait, le régime n'est fort que de la faiblesse de l'opposition. En deux ans, celle-ci n'a jamais été en mesure de présenter un véritable front uni. De plus, malgré les livraisons d'armes et un appui diplomatique et financier appréciable, les forces militaires de l'opposition marquent le pas sur le terrain. Leurs communiqués triomphants ne trompent personne: la rébellion stagne.

Cette situation explique sans doute pourquoi le leader de l'opposition syrienne, Ahmed Moaz al-Khatib, a lancé lundi un appel au dialogue avec le régime, sous conditions. Cet appel a reçu l'appui des amis de la Syrie, la Russie et l'Iran, et, chose surprenante, des États-Unis.

À l'évidence, certains au sein de l'administration américaine ne croient plus à une victoire militaire de l'opposition et poussent à la négociation. Ils craignent qu'un effondrement du régime provoque un chaos où les armes chimiques syriennes pourraient tomber aux mains de djihadistes ou du Hezbollah libanais. Le conflit syrien deviendrait régional, au même titre que la chute du régime libyen provoque toujours des ondes de choc au Mali et ailleurs au Sahel.

Mais une nouvelle tuile risque de tomber sur l'opposition, du moins sur son chef. Sa proposition de dialogue vient d'être rejetée par la principale composante de la coalition de l'opposition. Celle-ci rejette tout dialogue avec Damas et veut «préserver la révolution, pour qu'elle ne devienne pas otage de compromis internationaux.»

À Damas, de plus, la proposition de Moaz al-Khatib a reçu un accueil plutôt froid. En fait, au sein du pouvoir syrien, on se frotte les mains à l'idée que les forces de l'opposition sont une nouvelle fois en train de s'entre-déchirer sur la stratégie à suivre face au régime Assad. Une autre querelle entre factions de l'opposition pourrait aussi exaspérer leurs amis internationaux.

C'est l'unité d'action et la vitesse qui ont eu raison des régimes en Tunisie, en Égypte et en Libye. En Syrie, après deux ans de combats, le temps a fait son oeuvre et le régime en place en tire les bénéfices, du moins pour l'instant.

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