Cette semaine, comme tous les 10 ans, les dirigeants chinois cèdent leur place à de nouveaux leaders. Ceux-ci auront la charge de mener à bon port une Chine prospère et sans complexe face au monde. Depuis quelques semaines, sinologues et commentateurs examinent le parcours des nouveaux venus afin de connaître les orientations internationales qu'ils ont l'intention d'imprimer à la Chine au cours de la prochaine décennie. Que nous réserve donc le nouveau pouvoir chinois?

Cela fait 30 ans que la Chine suscite des pronostics tant alarmistes qu'admirateurs sur la vigueur de sa croissance économique, la solidité de son système politique, la cohésion de sa société, et ses intentions géopolitiques. La plupart de ces pronostics se sont révélés faux ou exagérés.

Ceci dit, la Chine est une grande puissance et il est possible de lire dans ses comportements une volonté, une politique. Longtemps ostracisée pendant le règne de Mao, elle a fait le pari de l'ouverture économique en 1979 en se tournant vers l'Occident. Ce fut et c'est toujours un succès. En politique étrangère, la Chine a fait un choix différent. Elle a refusé l'alignement sur Washington au même titre qu'elle avait rompu l'alliance avec l'Union soviétique. Le non-alignement et la non-ingérence ont été et sont toujours sa politique.

La Chine, contrairement aux États-Unis, refuse de se poser en modèle planétaire. Elle n'a aucune prétention hégémonique et son appareil militaire ne pose aucune menace à court et moyen terme. Sa politique étrangère est en fait une politique commerciale et cette option est patiemment cultivée par les dirigeants chinois depuis Deng Xiaoping.

Or, aujourd'hui, le paysage géopolitique a considérablement changé et la Chine en est largement responsable. Ses progrès économiques, ses investissements en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, ainsi que son budget militaire en font une grande puissance qui bouscule l'ordre mondial et suscite craintes et interrogations. À tel point d'ailleurs qu'au début de l'année, Barack Obama a annoncé le redéploiement d'une partie de la flotte militaire américaine de l'Atlantique vers la région Asie-Pacifique afin de «contenir» la puissance chinoise.

Comment le nouveau président Xi Jinping va-t-il répondre à cette nouvelle donne? Le personnage est déroutant pour un Occidental. Ce politicien, qui aime les matchs de la NBA et Hollywood, est marié à une vedette de la chanson, sa fille étudie à Harvard, et il détonne passablement dans le paysage politique chinois tout en laissant croire à des affinités particulières avec l'Occident.

En même temps, il n'a pas caché son agacement devant la décision du président américain. Dans une entrevue publiée par le Washington Post en février dernier, M. Xi a estimé qu'au moment où les peuples cherchent la paix et le développement, «le fait d'accorder délibérément de l'importance à la sécurité militaire, d'augmenter les déploiements militaires et de renforcer les alliances militaires ne correspond pas aux souhaits de la plupart des pays de la région.»

La décision américaine fait l'objet d'interprétations différentes à Pékin. Pour certains, elle marque le début d'une nouvelle guerre froide, et la Chine doit maintenant reconsidérer sa politique de non-alignement et renouer avec les alliances, en particulier avec la Russie, afin d'y faire face. Pour d'autres, la Chine doit se garder de toute réaction intempestive par rapport aux États-Unis. Elle doit suivre la voie tracée il y a 30 ans et ne pas en déroger. Il en va de sa prospérité.

Xi Jinping connaît le prix que son pays a payé lors de la désastreuse révolution culturelle: il a passé six ans en «rééducation». Cela, semble-t-il, en a fait un pragmatique, soucieux de stabilité. Sous sa gouverne, la Chine se montrera ferme face au monde, mais gageons que la prochaine décennie sera aussi paisible que la précédente.

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