La situation en Syrie est chaque jour une épreuve pour la population. Les massacres se suivent et se ressemblent, les pilonnages continuent, la spirale de la violence s'accélère. Et aucune solution ne semble pointer à l'horizon. Dès lors, il ne faut donc pas se surprendre d'entendre vendredi dernier le nouvel émissaire dans ce conflit se dire «effrayé» par sa mission.

Lakhdar Brahimi en a vu d'autres. Cet ancien ministre algérien des Affaires étrangères a passé les 20 dernières années à jouer l'émissaire ou le représentant de la communauté internationale un peu partout sur la planète. Il a été un des artisans de l'accord qui a mis fin à la guerre civile au Liban. Il s'est rendu en Haïti et en Afrique du Sud. Au début des années 2000, il a plongé dans les conflits afghan et irakien après la chute des talibans et de Saddam Hussein. Bref, il n'a pas chômé, donnant le meilleur de lui-même sans trop se faire d'illusions, comme en Irak.

La Syrie risque pourtant d'être un écueil. Les combats ont commencé au début de l'année dernière et s'intensifient. Chacune des parties campe sur des positions extrémistes. Elles bénéficient de soutiens extérieurs, des grandes et moyennes puissances, qui jettent de l'huile sur le feu tout en prétendant vouloir la paix et le dialogue. Chaque avancée diplomatique est systématiquement sabotée.

Dans ce conflit où des intérêts puissants sont en concurrence, il ne semble plus y avoir de place pour une voix comme celle de Lakhdar Brahimi. D'où la surprise lorsqu'on entend le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dire au nouvel émissaire qu'il a pour «tâche essentielle d'apporter en Syrie la paix, la stabilité, et la promotion des droits de l'Homme».

Apporter la paix et la stabilité? À lui tout seul? M. Ban parle-t-il sérieusement? Faut-il rappeler ce que le précédent émissaire, Kofi Annan, a déclaré en démissionnant il y a quelques semaines? «Il est impossible pour moi ou pour n'importe qui de contraindre le gouvernement syrien et l'opposition à faire les pas nécessaires à la mise en place d'un processus politique», avait lancé, en conférence de presse, l'ancien secrétaire général de l'ONU et Prix Nobel de la paix. «En tant qu'émissaire, je ne peux vouloir la paix plus que les protagonistes, plus que le Conseil de sécurité ou plus que la communauté internationale». Et d'ajouter, lorsqu'on lui a demandé si quelqu'un d'autre pourrait reprendre le bâton: «Le monde est plein de personnes dingues comme moi, donc ne soyez pas surpris si quelqu'un décide d'endosser le rôle.»

Si ce «dingue» est maintenant Lakhdar Brahimi, on peut légitimement se demander ce qui a changé, tant sur le terrain que sur la scène internationale, pour qu'il accepte de remplacer un homme de la trempe de Kofi Annan et entreprenne cette mission. À bien y regarder, rien. Entre Syriens, du pouvoir comme de l'opposition, il n'y a plus de discussion. À Paris et à Washington, d'un côté, à Moscou et à Pékin, de l'autre, les dirigeants donnent de la voix, s'indignent, menacent et s'agitent, mais sans plus.

À la fin des années 80, Lakhdar Brahimi a réussi à réconcilier les Libanais. À l'époque, les choses étaient mûres, le conflit était en phase terminale et les Libanais voulaient la paix après 15 ans de combat. Aujourd'hui, les Syriens ne sont pas rendus là.

À moins d'un effondrement soudain du pouvoir à Damas, ce conflit n'a pas encore épuisé toute sa capacité de violence. C'est dramatique, et c'est ce qui rend la mission du nouvel émissaire «effrayante».

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