Marine Le Pen sera absente de l'Assemblée nationale, mais le Front national y fait son entrée après 26 ans d'éclipse. Dans cette séquence électorale commencée à la fin avril avec la présidentielle, il y a bien eu un effet Marine Le Pen, mais aucun engouement pour le Front national.

Depuis 25 ans, on nous rebat les oreilles à propos des idées du Front national qui progresseraient en France. Selon une succession de sondages en effet, les Français ont l'épiderme sensible quant à l'immigration, les élites mondialisées, l'abolition des frontières, les eurocrates et l'insécurité. C'est un constat et ces thèmes sont le fonds de commerce du FN. À tel point d'ailleurs que le quotidien Le Monde publiait en janvier un sondage où un tiers des Français affirmaient être d'accord avec les idées du FN et 30% estimaient que ce parti avait la capacité de participer à un gouvernement. Eh bien où sont ces électeurs? Pas au FN.

Dimanche soir, Marine Le Pen s'est réjouie de l'«énorme succès» du FN. Balivernes!

Lorsqu'on analyse les résultats des élections législatives et présidentielles depuis un quart de siècle, on constate que l'électorat frontiste augmente à peine. En 1986, à la faveur d'une modification du système électoral où le socialiste François Mitterrand introduit la proportionnelle, le FN obtient 11% des suffrages (2,7 millions) et 35 députés. À l'élection présidentielle de 2002, on l'oublie souvent, il y a deux candidats d'extrême droite: Jean-Marie Le Pen obtient 16,9% des voix et Bruno Mégret 2,3%. Ils totalisent donc un peu plus de 19% des suffrages et obtiennent 5,5 millions de voix. Les législatives qui suivent immédiatement après donnent au FN 11,3% (2,8 millions).

Dix ans plus tard, les lignes ont à peine changé. Le 22 avril dernier, Marine Le Pen a certes obtenu 18% des voix, mais c'est moins que le total des deux candidats d'extrême droite en 2002. En matière de suffrages, elle gagne un million de voix (6,4 millions). Aux législatives de dimanche dernier, le score du FN est de 13,6% et de 3,5 millions de voix. C'est mieux que les 4,5% obtenus lors des législatives de 2007, mais c'est une misère par rapport à 1986. Oui, il y aura deux députés qui feront leur entrée à l'Assemblée nationale, élus lors de triangulaires, mais on est loin du triomphe annoncé par Marine Le Pen.

Les médias, c'est certain, feront de l'entrée du FN au Parlement leurs gros titres. Ils l'avaient fait le 22 avril dernier en acclamant la perdante. Et pourtant, ce qui frappe depuis un quart de siècle, c'est le surplace du FN aux élections législatives en France et par rapport aux autres partis d'extrême droite en Europe. Le mode de scrutin français élimine rapidement les candidats arrivés en troisième place. Il faut en effet obtenir 12,5% des inscrits au premier tour pour se retrouver au deuxième tour. Pour autant, sur une cinquantaine de duels et de triangulaires où le candidat FN était présent dimanche dernier, deux seulement ont gagné et Marine Le Pen a perdu dans un duel avec un candidat socialiste inconnu.

En Europe, les partis d'extrême droite (en Suisse, en Norvège, en Finlande et en Autriche) ou carrément fascistes et pro-nazis (comme en Hongrie) sont en progression constante et obtiennent entre 17% et 29% des suffrages et des dizaines de députés.

La France résiste très bien aux partis extrémistes, de gauche comme de droite. Les vrais gagnants de cette séquence électorale sont François Hollande et le parti socialiste et le grand parti de droite UMP qui devrait maintenir sa cohésion et éviter l'éclatement annoncé. Il ne faudrait quand même pas l'oublier.

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