Barack Obama vient encore une fois de surprendre tout le monde. À quelques mois d'une élection qui s'annonce difficile, le président est devenu un des rares chefs d'État à se déclarer en faveur du mariage homosexuel. Une décision, disent certains, qui pourrait lui coûter le pouvoir. Faux.

L'homme du « Yes we can », prouve qu'il est au sommet de sa forme lorsqu'il fait de ce slogan mobilisateur un instrument au service de la justice. Cela n'a pas toujours été ainsi. Il avait promis de fermer Guantánamo, d'abolir les tribunaux spéciaux et d'annuler les réductions d'impôts pour les riches. Il n'a rien fait de cela. La gauche du Parti démocrate le lui reproche et plusieurs militants n'iront pas voter en novembre, convaincus d'être trahis par un président trop modéré. Ils ont tort.

Obama ne peut livrer toute la marchandise, et tout de suite. Il doit composer avec un électorat souvent frileux et profondément désorienté par la crise. Il doit surtout préserver l'essentiel face à un Parti républicain, noyauté par les pires extrémistes et prêt à tout pour détruire sa présidence.

Obama a été et reste fidèle à son premier message, celui de la justice sociale. En 2010, il a frappé un coup d'avance en menant une bataille épique afin de doter les États-Unis d'une couverture médicale universelle. Il a offert à quelque 30 millions d'exclus une assurance maladie dont ils avaient besoin. Au début, les Américains étaient en partie craintifs devant un projet présenté par le Parti républicain et les lobbys comme une intrusion inacceptable dans leur vie privée. Le mouvement d'opposition s'est amplifié et a même pris l'allure d'une campagne haineuse envers le président. Cela a marché et aux élections législatives de novembre 2010, le Parti démocrate a perdu sa majorité à la Chambre des représentants.

Pour autant, la défaite a été moins cinglante que prévu - le Sénat est resté démocrate - et aujourd'hui la plupart des Américains appuient l'initiative de leur président et ne voudraient pas revenir en arrière. Il a gagné cette manche même si la Cour suprême pourrait déclarer inconstitutionnels certains éléments de sa réforme.

Sur le mariage homosexuel, Obama est de nouveau en terrain miné. Cette question touche au coeur des valeurs individuelles. Et les arguments pour ou contre peuvent être tout à fait honorables. Le président a lui-même longtemps hésité avant de prendre sa décision, même si elle est tout à fait en phase avec son parcours politique et législatif. Il était favorable à une union civile entre homosexuels et il a aboli la loi interdisant à ceux-ci de servir ouvertement au sein des forces armées.

Le président prend un risque en abordant de front une question aussi sensible. Il fait quand même le pari que les Américains vont le suivre. L'évolution de l'opinion lui donne raison. Le camp démocrate est solidement à ses côtés. Une majorité d'Américains approuve le mariage homosexuel et de nombreuses personnalités républicaines, comme l'ancien vice-président Dick Cheney dont la fille est lesbienne, ont rallié ce camp.

Même le candidat républicain, Mitt Romney, pris de court par la décision du président, fait preuve de prudence. Il s'oppose au mariage, mais précise immédiatement qu'il est en faveur de tous les droits pour les homosexuels, même celui d'adopter des enfants.

Les plus extrémistes n'ont pas dit leur dernier mot. L'influent groupe Citizens United voit dans la décision du président matière à galvaniser le mouvement conservateur. « C'est à ajouter à la liste des atrocités » de ce président, a dit son leader. Barack Obama ne doit pas trop s'inquiéter. Il montre qu'à chaque fois qu'il frappe un coup d'avance, il gagne.

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