Les États-Unis sont depuis plus d'un siècle une puissance du Pacifique. Ils ont annexé Hawaï, occupé les Philippines, fait la guerre au Japon, au Vietnam et à la Corée du Nord, mais ils ont aussi changé la face du monde en se rapprochant de la Chine communiste.

L'établissement de relations entre Washington et Pékin a donné lieu à l'un des plus formidables essors économiques de l'après-guerre. Sur ce plan, la Chine est trop souvent au centre des fantasmes les plus fous, mais il y a une réalité: son poids économique est incontournable et, bientôt, sa puissance militaire comptera elle aussi. Les républicains sous George Bush l'avaient compris, mais le 11-Septembre et ses suites ont accaparé leurs énergies et leurs ressources.

L'an dernier, Barack Obama a amorcé le réengagement américain dans la région. D'ailleurs, cette semaine, les questions et les problèmes soulevés lors de rencontres et de visites qui se sont succédé à Washington et à Pékin concentrent toute la richesse et la complexité des liens tissés entre les deux puissances depuis quelques décennies: le sort des dissidents chinois, les tensions commerciales, les programmes nucléaires nord-coréen et iranien, les postures militaires des uns et des autres.

La Chine et les États-Unis viennent de régler à l'amiable l'affaire du dissident Chen Guangcheng réfugié à l'ambassade américaine. Cela aura permis à Hillary Clinton et au secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, de se pencher jeudi et vendredi sur les sujets plus litigieux que sont le déséquilibre commercial sino-américain de 300 milliards de dollars en faveur de la Chine et la valeur du yuan. Lundi, la Chine a fait une ouverture en annonçant son intention d'augmenter ses importations afin d'équilibrer ses échanges extérieurs.

Sur le plan militaire, la région Asie-Pacifique est l'objet d'un jeu feutré, mais qui n'est pas sans risques. La Chine n'est plus seulement un géant économique. Elle veut compter militairement, surtout en Asie. Le budget militaire augmente rapidement - tout en demeurant modeste par rapport à l'énormité du budget américain - et la marine chinoise se montre plus agressive à patrouiller dans la mer de Chine du Sud.

C'est que la région est un espace maritime constellé d'îles et de rochers dont le contrôle est revendiqué par une demi-douzaine de pays conscients des énormes richesses présentes sous les eaux. Selon certaines estimations, la zone contiendrait l'équivalent de 213 milliards de barils de pétrole, soit 80% des réserves de l'Arabie saoudite. Tout cela attise les convoitises. Il n'est pas rare d'entendre la Chine accuser ses voisins vietnamien ou indonésien de lui «voler» du pétrole.

Dans ce contexte, les petits et moyens États de la région s'arment et appellent même les États-Unis à renforcer leur présence, ce qu'ils ont fait. Washington va déployer de nouvelles troupes en Australie et vient tout juste de recadrer ses relations militaires avec le Japon afin de mettre l'accent sur la défense antimissile et la sécurité des routes maritimes. Même l'Inde est l'objet d'une cour assidue.

Plusieurs analystes - surtout dans les centres de recherche américains de tendance conservatrice - voient dans ces postures politiques et militaires le prélude au futur affrontement sino-américain inscrit dans la logique de la montée en puissance de la Chine.

Henry Kissinger, dans son dernier livre consacré à la Chine, ne croit pas à cette fatalité et préconise une «communauté du Pacifique». Obama semble se diriger vers cette option.

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