Le cessez-le-feu tiendra-t-il en Syrie? On le voit déjà, il est fragile. Et pourtant, le moment est venu de le renforcer avec le déploiement de la mission d'observation que l'ONU s'apprête à créer.

À la notable exception de quelques incidents, le gouvernement syrien et les insurgés ont mis fin aux combats jeudi dans la plupart des villes touchées depuis un an par une révolte contre le régime. Le cessez-le-feu n'est que la première étape du plan de règlement proposé par Kofi Annan et accepté par tous. Ce n'est pas l'étape la plus importante, car rien, sur le fond, n'est réglé. Il faut encore restaurer le calme dans le pays, libérer les prisonniers, rétablir les libertés et, surtout, amorcer le dialogue politique. Toutefois, un espace propice au règlement de cette crise vient de s'ouvrir.

Cet espace doit être consolidé très rapidement. En effet, dans bien des conflits, une solution a trouvé sa mise en oeuvre sur le terrain grâce à la vitesse à laquelle certains acteurs de la communauté internationale se sont engagés. À Suez, en 1956, au Congo, en 1960, à Chypre, en 1974, au Koweït, en 1991, l'ONU ou une coalition internationale n'ont mis que quelques jours, sinon quelques semaines, à déployer un dispositif militaire visant à soutenir un plan de paix. La rapidité d'exécution a souvent permis de stabiliser une situation et de sauver des milliers de vies. À l'inverse, les hésitations, les doutes, les lenteurs bureaucratiques ou, pire encore, le refus calculé de s'engager ont abouti à des génocides en Bosnie et au Rwanda.

Le plan de Kofi Annan préconise la mise en place d'un mécanisme de supervision du cessez-le-feu. À cet effet, l'envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue arabe a déjà rencontré le général norvégien Robert Mood, un vétéran des opérations de paix au Proche-Orient. La résolution que devrait adopter le Conseil de sécurité prévoit le déploiement éventuel de 250 observateurs dont le mandat sera de vérifier que les deux parties cessent d'utiliser leurs armes, mettent fin aux mouvements du personnel militaire et, dans le cas du gouvernement, retire ses troupes concentrées dans certaines agglomérations et aux alentours. Rien n'interdit qu'un plus grand nombre d'observateurs soit dépêché en Syrie.

Le déploiement d'une telle mission d'observation n'est pas sans risques. Les combats peuvent reprendre et forcer la mission à quitter les lieux. Les observateurs peuvent être victimes de provocations et de tirs au point où ils ne pourront mener à bien leur action. Ils peuvent être pris en otages ou même abattus, ce qui ne manquerait pas de susciter une forte réaction dans l'opinion publique des pays contributeurs. L'Afghanistan est là pour nous rappeler que nous supportons de moins en moins la mort de nos soldats à l'étranger.

Enfin, le plus grand risque est que la mission serve de prétexte aux parties pour camper sur leurs positions et s'installer dans un long face-à-face qui consacrerait le morcellement du pays en zones tenues par le gouvernement ou les insurgés. Le Liban à une certaine époque, Chypre, la Bosnie et le Kosovo, hier comme aujourd'hui, illustrent bien les périls et les écueils d'une telle intervention.

La mission de paix est une occasion d'agir, et les parties en font ce qu'elles veulent. On ne peut la rejeter du simple fait qu'elle ne donnera pas tous ses fruits. En Syrie, à défaut d'une intervention militaire musclée en faveur des insurgés, elle a le potentiel de sauver l'espoir démocratique et d'éviter d'interminables affrontements.

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