Le PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, vient de quitter ses fonctions avec une indemnité de départ de 565 000 $.

En plus, à compter de l'an prochain et jusqu'à sa mort, l'État lui versera une rente annuelle indexée de 452 000 $, somme qui, dans 25 ans, pourrait grimper à 760 000 $ au taux d'inflation actuel. L'intéressé est encore jeune (54 ans) et pourra occuper encore longtemps des emplois bien rémunérés. Il me semble que c'est excessif.

DU JAMAIS-VU

Selon un expert du secteur privé dont les propos ont été rapportés dans les médias, on n'a jamais vu des conditions aussi généreuses. Les experts s'accordent à dire que M. Vandal a très bien travaillé durant son mandat, mais n'est-ce pas pour cela qu'il avait été embauché, pour sa compétence ? En plus, à 470 000 $ par année, il comptait tout de même parmi les hauts salariés du Québec.

Certes, il aurait pu toucher davantage dans le privé ; en ce sens, il s'est dévoué pour notre société. Mais ce n'est pas contre nature pour un des plus importants serviteurs de l'État. Ils sont nombreux, parmi les ministres et premiers ministres, à donner l'exemple.

Il faut considérer aussi que, souvent, l'expérience acquise par ces hauts serviteurs de l'État se monnaie plus tard sur le marché. Cet avantage ne fait-il pas partie, au moins indirectement, de la rémunération ?

RAS-LE-BOL

Là où les avantages consentis à M. Vandal soulèvent le plus de questions, c'est quand on considère les coûts sociaux que ce genre de décision entraîne. La réaction de la grande majorité des citoyens est marquée d'abord par la surprise ; l'homme suscitait la sympathie et s'était attiré le respect. La réaction est marquée aussi par un dépit. Cette affaire vient alimenter le cynisme déjà trop répandu dans la population, le manque de confiance envers les élus et les élites, l'irrespect des institutions. Bref, le ras-le-bol (« tous des pourris », entend-on dans les dépanneurs).

Il faut s'inquiéter lorsque ce ver infiltre une société.

Le décrochage civique, le je-m'en-foutisme, le repli dans un hyperindividualisme ou encore les violentes sautes d'humeur comme celles de ce printemps à l'UQAM, sont des symptômes d'une démocratie en mauvaise santé, qui ne sait plus canaliser les aspirations légitimes des citoyens.

Les effets pervers de ces dérives ne se dévoilent pleinement qu'à long terme ; et lorsqu'on intervient enfin pour y remédier, il est parfois bien tard.

LE « MODÈLE » AMÉRICAIN

J'exagère ? Nous évoquons couramment l'américanisation du Québec à propos des influences culturelles venues du sud. Mais notre société a amorcé depuis peu une forme beaucoup plus nocive d'américanisation : celle qui défait le tissu social. Des ouvrages importants ont été publiés récemment aux États-Unis qui posent un diagnostic inquiétant sur cette société gangrenée par la fragmentation, les inégalités, la pauvreté, les problèmes de santé publique, le désengagement du citoyen, la confiscation sans précédent du pouvoir politique par les grands intérêts financiers, le retrait social de l'État, la destruction de la vie communautaire et le déclin consécutif des solidarités primaires.

Nous n'en sommes pas là. Mais certaines décisions prises récemment par le gouvernement du Québec, pour ne pas parler des politiques sournoises du gouvernement Harper, devraient donner à réfléchir.

UN CONTRE-EXEMPLE

L'ex-recteur de l'Université Bishop's, Michael Goldbloom, a bénéficié lui aussi d'un « parachute doré » quand il a quitté ses fonctions récemment, avec une prime de près de 650 000 $. On apprenait ensuite que l'intéressé avait décidé de renoncer à la moitié de ce montant. Voilà qui pourrait donner à réfléchir à M. Vandal.

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