L'affaire Hamza Chaoui, cet imam récemment expulsé d'un centre communautaire montréalais, a fait grand bruit. On lui reprochait de s'en être pris à ce que nous considérons comme nos valeurs fondamentales - des valeurs qui sont au coeur de notre charte des droits et libertés. Ses propos, largement médiatisés, ont été unanimement rejetés et de nombreux citoyens auraient souhaité que leur auteur soit condamné. Que faut-il en penser?

Droit et sécurité: où tracer la ligne?

Dans l'esprit de plusieurs, ces déclarations révélaient une forme de radicalisation et d'intégrisme, et constituaient peut-être un prélude au terrorisme. Pour des motifs de sécurité et dans un esprit de prévention, il fallait donc intervenir. 

Tout cela pose le problème auquel de nombreuses sociétés sont présentement confrontées: comment définir l'équilibre nécessaire entre la protection adéquate des citoyens et le respect maximal des droits? 

Il est aisé de plaider pour un équilibre entre droits et sécurité; ce l'est beaucoup moins de traduire ce principe en directives concrètes devant s'appliquer à des situations spécifiques.

UN TEST

Pour illustrer cette difficulté, et aussi pour favoriser la réflexion citoyenne sur ce sujet complexe, je propose aux lecteurs et aux lectrices de jouer au législateur. Je soumets ici quelques scénarios représentant diverses formes de dénonciation des valeurs québécoises. Pour chaque scénario, l'exercice invite à répondre: «interdire» ou «autoriser». 

Je précise que, dans l'esprit du test, les propos prononcés ne sont pas des incitations à la haine ou à la violence. Dans ces cas, nos lois sont claires, ces propos sont des offenses de nature criminelle et ils doivent être condamnés. Ce qui est en cause dans notre test, ce sont des attaques contre des valeurs telles que les libertés civiles, l'égalité homme-femme, la démocratie ou la séparation de l'État et des Églises. 

Voici les différents cas à trancher. Devrait-on «interdire» ou «autoriser» des propos dénonçant ces valeurs, selon qu'ils ont été prononcés: 

1 - dans le discours public, c'est-à-dire au cours d'une conférence, d'une entrevue, dans un texte publié, dans une table ronde, dans une émission de ligne ouverte, etc.?

2 - dans des réseaux sociaux?

3 - dans un centre communautaire, c'est-à-dire un organisme à but non lucratif, ouvert à tous ou à certaines catégories de citoyens, et s'adonnant à des activités de loisir, d'information, de sensibilisation, de formation ad hoc?

4 - dans des prêches ou sermons, au sein d'établissements voués au culte (églises, synagogues, mosquées...)?

5 - dans des communications sur internet qui se présentent comme des «cours en ligne», mais qui n'entraînent pas de contacts avec eux ou celles qui le suivent et ne comportent ni examen ni octroi de diplôme reconnu par l'État. 

6 - dans un enseignement universitaire?

7 - dans un enseignement collégial?

8 - dans des écoles primaires ou secondaires publiques?

9 - dans des écoles primaires et secondaires privées confessionnelles, subventionnées par l'État?

10 - dans des écoles primaires et secondaires privées confessionnelles, non subventionnées?

Marche à suivre

Les lecteurs et lectrices qui voudront se prêter à cet exercice peuvent transmettre leurs réponses à l'adresse ci-bas. Il suffit d'inscrire le numéro de chaque situation ou scénario et, pour chacun, d'ajouter: «interdire» ou «autoriser». Si, pour une situation donnée, on est incapable d'en arriver à une décision, prière d'inscrire la mention «indécision». 

Lors d'une prochaine intervention dans ce journal, je communiquerai les résultats de l'exercice et je ferai état de mes propres réponses. Merci de votre collaboration.

Pour transmettre vos réponses:

debats@lapresse.ca


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