Récemment, nous entendons régulièrement des gens dire: «L'immigration est un privilège. Si les gens ne sont pas contents, qu'ils retournent d'où ils viennent.» Il est vrai qu'il faut s'informer au sujet du pays vers lequel nous immigrons pour nous ajuster le plus vite possible au plan social.

Mais que faire lorsque le pays que nous avons choisi décide subitement de changer ses lois longtemps après que ces immigrants se soient ancrés et adaptés? Économiquement parlant, les immigrants sont nos égaux sur le plan des taxes et impôts, mais on se réserve le droit de les faire taire, même le plus intégré d'entre eux, lorsqu'ils réclament des droits égaux.

L'usage de l'expression «retourne d'où tu viens» est aussi déplorable que celui du mot privilège lorsque vient le temps de parler d'immigration. Quand nous sommes établis depuis longtemps dans un pays, «retourner d'où on vient» n'est pas chose simple.

Imaginez si un parent, en désaccord avec son enfant adoptif, lui disait: «Ton adoption est un privilège. Tu te dois d'être celui que je souhaite que tu sois ou alors il te faudra changer de domicile.»

Nos choix de mots sont importants, car tout comme le mot tolérance, le mot privilège creuse un fossé entre la société d'accueil et l'immigré. Tolérer un individu n'a rien d'accueillant, lui rappeler que notre hospitalité est un privilège encore moins.

Autrefois, un privilège était défini comme un droit exclusif octroyé à un individu de par son statut de noblesse. Dans le langage courant, le mot privilège, ayant hérité d'une connotation péjorative, évoque une disposition inégalitaire dans la mesure où un bénéfice n'est accordé qu'à un groupe d'individus particulier.

Or, l'immigration ne s'apparente en rien à une disposition inégalitaire pas plus qu'elle ne sous-entend un bénéfice unidirectionnel. L'immigration est une démarche socio-économique faite par une société éprouvant un besoin impératif. Ainsi, nombreux sont les pays faisant face à un problème démographique dont la seule solution est d'ouvrir ses portes à l'immigration.

Au Québec, de 2008 à 2012, sept immigrants sur dix relevaient de la catégorie de l'immigration économique. La majorité des immigrants sont donc choisis pour l'avantage économique qu'ils confèrent à la société d'accueil. Par conséquent, l'hôte et l'invité bénéficient mutuellement l'un de l'autre ce qui implique que l'un n'est pas privilégié par rapport à l'autre.

Une majorité vous le dira, faire le choix d'immigrer rime souvent avec sacrifices, efforts et compromis; nous sommes bien loin du privilège luxueux. L'adaptation de l'immigrant constitue souvent un défi de taille auquel s'ajoutent la barrière linguistique, les changements culturels, les difficultés socio-économiques, les divisions des cellules familiales, etc. Cette adaptation exige souvent de nombreuses générations, car si les premières se consacrent surtout à la sécurité et la survie, les générations suivantes seront hantées par de nombreuses questions identitaires.

Il m'apparait que dans un monde de plus en plus tissé par la diversité et face aux nouvelles réalités migratoires, il serait plus harmonieux de développer un sentiment d'identité commune, soit celle de «citoyens du monde». Cesser de parler en terme de privilège et favoriser plutôt une coexistence pacifique en estimant tous les habitants de la Terre comme étant un peuple commun ayant des devoirs et droits communs, et ce, en tout respect des diversités locales.

Comme l'a si bien dit l'humoriste québécois Adib Alkhalidey: «Ton pays c'est pas le meilleur, ton pays c'est une fatalité géographique et t'as absolument rien choisi.»

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