Stephen Harper vient de connaître une dure semaine. Plusieurs voient même dans ce «Sénatgate» qui ne cesse de rebondir une première atteinte sérieuse au premier ministre lui-même.

Ces derniers mois, le Sénat a fait la manchette plus souvent qu'à son tour avec les frasques de plusieurs sénateurs conservateurs allant de Patrick Brazeau à Mike Duffy, en passant par le Pierre-Hugues Boisvenu. Tous ont été nommés par Stephen Harper. Voilà qui suinte le mépris et l'irrespect envers une institution qui, quoiqu'on en pense, fait toujours partie de la constitution et appelle un budget de 100 millions de dollars par année.

Par-dessus tout, le geste posé par le chef de cabinet de Stephen Harper de verser à Mike Duffy un don de 90 000$ donne à penser qu'on a tenté de le blanchir et de calmer la critique en lui permettant de rembourser les sommes injustement appropriées.

M. Harper cherche aujourd'hui à prendre ses distances en prétendant n'avoir rien su du geste posé par son bras droit. C'est un peu court, quand on se rappelle qu'il a d'abord réaffirmé sa confiance absolue en son chef de cabinet lorsque le scandale a éclaté publiquement!

La tolérance et même la légèreté devant des manquements à l'intégrité viennent égratigner celui qui avait fait campagne sur ce thème et lave désormais plus blanc que blanc en pourfendant sans pitié les chômeurs.

Toute cette affaire ramène aussi à l'avant-plan la promesse de Stephen Harper de réformer le Sénat pour en faire une institution élue, efficace et égale. On ne peut pas dire que M. Harper se soit épuisé à changer les choses! S'il a nommé des Mike Duffy et des Pamela Wallin au Sénat, c'est dans un esprit d'abord partisan. Il les savait populaires et les a utilisés abondamment à des fins électorales. Bref, il est pris en flagrant délit de pratiquer ce qu'il prétendait vouloir changer.

L'élection fédérale est dans deux ans. Que restera-t-il de cette crise, qui a suscité la critique à travers tout le pays et ébranlé le fief conservateur? On ne peut jurer de rien. Néanmoins, les enquêtes vont se poursuivre. L'opposition ne va pas lâcher le morceau, alors qu'elle a réussi à trouver le talon d'Achille lui permettant de chasser hors de ses terres.

On peut d'ores et déjà prévoir de nouveaux terrains de lutte. Le scandale a fait tellement de bruit que personne au Canada ne voudra plus du Sénat tel qu'il est. Nous voilà répartis pour de beaux affrontements entre ceux qui exigeront avec plus de force encore une réforme du Sénat et ceux qui voudront l'abolir. Le NPD a déjà donné le ton.

Le hic dans toute cette histoire, c'est qu'aucune de ces solutions n'est à portée de main. Abolir le Sénat demande un amendement constitutionnel requérant l'accord des provinces. On imagine la foire d'empoigne quand on sait que des provinces comme l'Alberta font de cette réforme leur grande demande constitutionnelle, alors que d'autres sont résolument abolitionnistes. Surtout, on perçoit très bien qu'une réouverture du débat constitutionnel ramènerait à la surface la question du Québec et la question autochtone, pour ne nommer que celles-là. Bonjour Meech et Charlottetown!

Réformer le Sénat, pour lui donner une valeur ajoutée et une légitimité, exige certainement d'en revoir les caractéristiques essentielles, ce qui invariablement nous ramène dans l'ornière constitutionnelle, à moins que la Cour suprême ne change son fusil d'épaule. Voilà qui rappelle le caractère sclérosé de la constitution qui nous régit.

Il n'est pas normal, comme s'en vantait Pierre Elliott-Trudeau au moment du rapatriement, de devoir vivre avec une constitution cadenassée pour 1000 ans. C'est une injure à la démocratie.

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