Décidément, notre vie collective ne manque pas de contrastes. Alors qu'on s'inquiète à juste titre de l'émoi causé par la publication d'une liste de personnalités ayant fréquenté le 357c sans pouvoir établir un lien avec un financement illicite des partis politiques, moi, je m'inquiète du peu d'émoi suscité par les récentes études de l'Office de la langue française sur la langue de travail, alors que des faits troublants y apparaissent. C'est quoi, cette tentative de cacher l'éléphant sous le tapis en prétextant les effets de la mondialisation?

Pourtant, la langue de travail en dit long sur la culture d'une société, sur sa façon de penser et de dire le monde. Elle est un indicateur majeur de la vitalité d'une langue, selon qu'elle permette ou non de gagner sa vie.

Enfin, elle devient un test de crédibilité à l'égard des nouveaux arrivants, qu'on veut convaincre que le français est la langue officielle du Québec. Loin de moi l'idée de les blâmer. Au contraire, nous avons comme société d'accueil une responsabilité de cohérence à assumer.

Le rapport de l'Office met en lumière que la proportion des personnes travaillant principalement en français a connu une hausse marquée entre 1971 et 1989. Depuis, elle a reculé de 5% à Montréal.

Les travailleurs allophones sont les seuls à échapper à cette tendance. Mais là où il y a de quoi se questionner sérieusement, c'est devant la montée fulgurante du recours au bilinguisme sur les lieux de travail. À des degrés variables, ce serait maintenant le lot de 82% des travailleurs montréalais contre 53% dans le reste du Québec.

L'Office de la langue française reconnaît la nécessité de pousser plus loin l'analyse. C'est la moindre des choses. Je veux bien croire que la mondialisation a le dos large, mais elle ne régit quand même pas l'ensemble des activités et communications internes des entreprises. Comment alors expliquer les données indiquant que le français est loin d'être la seule langue généralement utilisée à Montréal pour communiquer avec un supérieur immédiat anglophone, avec des clients ou des fournisseurs québécois, avec un siège social situé au Québec, enfin dans la rédaction de documents internes?

Il y a quelques années déjà, les travaux de l'Office avaient révélé, à l'occasion d'un sondage, que 40% des petites entreprises montréalaises reconnaissaient exiger l'anglais pour tous leurs postes. Qu'attendons-nous pour agir?

Oui, il y a nécessité d'élargir le rayon d'action de la Charte en assujettissant un plus grand nombre d'entreprises. Oui, il faudra cibler les secteurs économiques les plus difficiles, de même que les activités devant être toujours effectuées en français. Surtout, il faudra se sortir d'une logique de plaintes et demander aux employeurs de justifier leurs demandes de recourir à une autre langue.

La loi ne suffira pas. Nous devons appeler à une mobilisation de toute la société civile pour changer les mentalités et faire respecter nos propres décisions démocratiques à l'effet de faire du français LA langue officielle du Québec.

Les réalités ont changé. Nous sommes plus instruits et bilingues qu'autrefois. Nous ne sommes plus ces exploités confinés à être des porteurs d'eau. Nous sommes une terre d'accueil ouverte sur le monde et nous devons nous donner les moyens de l'être vraiment. Nous demeurons minoritaires en Amérique et nous avons le devoir de continuer de résister à l'assimilation.

Le XXIe siècle porte ses propres enjeux. La lutte pour la sauvegarde du français passe maintenant par cet enjeu planétaire de préserver la diversité des langues et des cultures. C'est à travers ce discours renouvelé que nous pourrons retrouver notre cohésion et notre élan. Place à l'action collective!

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