Le conflit étudiant du printemps dernier a divisé la société québécoise comme rarement. Il importe de tourner correctement la page et d'en tirer les leçons pour éviter d'être à nouveau précipité dans pareille crise sociale.

À voir la levée de boucliers soulevée par l'intention du ministre Pierre Duchesne de revoir la loi encadrant l'exercice du droit d'association des étudiants, je crois qu'on est diablement mal parti. Vivement du recul!

Oui, je sais que le ministre a évoqué la perspective d'accorder un droit de grève explicite aux étudiants. Il ne s'agit pourtant pas d'une révolution. Le Québec a connu une quarantaine de grèves étudiantes par le passé. Avant le printemps érable, ce droit n'avait jamais été remis en question, même par le gouvernement Charest en 2005. La nouvelle thèse du boycott, toute commode qu'elle fut pour les libéraux, ne repose pas sur des assises juridiques à toute épreuve. Elle n'a été retenue que dans un contexte d'urgence et d'injonctions. Surtout, elle n'a pas mis fin à la grève ni au désordre qui prévalaient. Il a fallu une loi spéciale et l'élection d'un nouveau gouvernement pour y arriver!

Pire encore, cette thèse a attisé les passions et conduit à des débordements d'une rare violence. Elle aura judiciarisé une question qui n'aurait jamais dû l'être, déchiré le corps professoral et la communauté étudiante et amené la police sur nos campus! À l'évidence, il y a mieux à faire.

Certes, il ne faut pas tout céder pour acheter la paix, mais l'entêtement est aussi de mauvais conseil. Historiquement, les luttes étudiantes ont permis de défendre l'accessibilité à l'éducation. Au fil des ans, le dialogue a favorisé la recherche des équilibres nécessaires. La démocratie ne se limite pas aux élections. Elle doit permettre à la société civile de participer aux débats de société. Elle doit aussi prévaloir sur les lieux de travail, comme dans nos collèges et universités. Le mouvement étudiant est une formidable école de citoyenneté. Le droit d'association qui lui est reconnu par les lois québécoises doit avoir un sens.

Bien sûr, il comporte des responsabilités, qui méritent aussi d'être débattues pour assurer le caractère démocratique de l'exercice et bien le baliser. Mais il n'est pas crédible d'exiger plus de démocratie en soutenant du même souffle que le droit d'association n'a aucune portée collective!

Le droit à l'éducation, tout comme le droit au travail, ne peut reposer que sur des choix individuels et exclure toute action collective. Le droit à l'éducation des uns ne doit pas disposer du droit de tous d'accéder à l'éducation supérieure et conséquemment d'exercer les pressions nécessaires pour garantir ce droit.

L'éducation n'est pas un service comme un autre. C'est d'abord un droit reconnu à tout citoyen qui souhaite étudier et qui en a la capacité. Individualiser les droits au travail, à l'éducation ou à la santé nous ferait reculer comme société. C'est d'ailleurs le genre de dérive inhérente à la requête du Dr Chaouli: menacer le système public de santé au nom des droits individuels!

Il n'y a pas d'avenir à opposer les droits individuels aux droits collectifs. Il est nécessaire d'ouvrir le débat, de s'entendre sur la portée du droit d'association reconnu aux étudiants depuis des décennies et d'en encadrer l'exercice, avant de se retrouver dans une nouvelle crise. Plusieurs modèles peuvent être envisagés. Toutefois, le recours aux tribunaux ne peut dispenser de l'obligation de participer au débat démocratique. La seule chose qu'on ne peut se permettre, c'est de se murer dans nos divisions et de s'enliser dans le bourbier du refus de discuter et de la judiciarisation d'une question essentiellement politique.

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