La Chambre des communes a rejeté une motion demandant la révision du statut légal du foetus. Elle a reçu l'appui de 87 conservateurs sur 162, dont 10 ministres, incluant la ministre de la Condition féminine, malgré l'engagement de Stephen Harper de ne pas rouvrir le débat sur l'avortement! Faut-il vraiment s'en inquiéter ou simplement s'en scandaliser?

Les conservateurs de Stephen Harper n'ont rien à voir avec ceux des Mulroney ou Clark. À un plus grand conservatisme économique s'ajoute un conservatisme moral qui nous rebute comme Québécois. À preuve, aucun député québécois n'a soutenu la motion du député Woodworth. Toutefois, les six années de gouverne de M. Harper permettent de dégager deux grandes leçons.

La preuve est maintenant faite qu'on peut former un gouvernement majoritaire au Canada sans le Québec. Voilà qui explique les multiples fins de non-recevoir opposées au gouvernement Charest et l'accueil cavalier réservé au nouveau gouvernement québécois. Christian Paradis a vertement fermé la porte à toute collaboration autre qu'économique, tout en en profitant pour claquer la porte au visage de Mme Marois en retournant sur elle l'opprobre soulevé par le revirement du fédéral sur l'amiante.

Portée par un gouvernement fédéraliste ou souverainiste, pro-amiante ou pas, la cause du Québec semble entendue. Le poids démographique et économique de l'ouest du pays a fait son oeuvre et scellé notre cause et notre avenir.

Les visées politiques qui animent les nouveaux conservateurs sont préoccupantes. Le Canada est aux prises avec un gouvernement dont l' objectif est de modifier en profondeur le pays. Ne nous en déplaise, il y réussit assez bien.

Aurait-on pu imaginer un changement aussi radical de l'image internationale du Canada? Il suffit pour s'en convaincre d'évoquer l'appui au gouvernement Bush, son attitude dans le dossier Khadr, la rupture des liens diplomatiques avec l'Iran et le soutien inconditionnel offert à Israël, l'absence du premier ministre à l'Assemblée générale de l'ONU après s'être vu refuser un siège au Conseil de sécurité, sans oublier les nombreux «prix dinosaures» mérités en matière d'environnement.

Pire encore, le gouvernement Harper caresse le projet de modifier radicalement les valeurs portées par les Canadiens. Ses croisades sur le registre des armes à feu, la sévérité des peines et le traitement des jeunes contrevenants en témoignent à leur tour. Qu'il n'ait pas encore réussi à rouvrir le dossier de l'avortement ne doit pas complètement nous rassurer.

Ce gouvernement fait preuve d'un acharnement hors du commun. Depuis son arrivée, c'est la sixième motion présentée en ce sens aux Communes. Chaque fois, les conservateurs usent de ruses pour mieux servir leur fin. À peine battu, le député Woodworth annonçait son intention de faire campagne dans la population.

Devant pareil prosélytisme, il ne faut pas baisser la garde. La criminalisation de l'avortement n'empêche pas les avortements. L'Organisation mondiale de la santé indique qu'une femme meurt toutes les neuf minutes des suites d'un avortement. Manifestement, il s'agit d'un important problème de santé publique, faisant des ravages là où l'avortement dans des conditions médicales sécuritaires est prohibé. Haro sur le gouvernement canadien qui coupe l'aide internationale à qui prône le droit de choisir!

Le Québec et le Canada ont aussi connu leur lot d'horreurs. Non seulement il ne faut pas tolérer de recul sur cette question de droit fondamental des femmes, il faut aussi s'assurer d'un accès des femmes aux services de santé reproductive et d'avortement sur l'ensemble du territoire.

Le recours à l'avortement, même dans les meilleures conditions, reste toujours une décision douloureuse pour les femmes. La façon de progresser ne passe pas par le retour des interdits moralisateurs. Elle passe par l'éducation. J'invite la nouvelle ministre de l'Éducation à saisir la balle au bond et à réintroduire à l'école de l'information sur la sexualité, pour faire reculer l'ignorance, prévenir les maladies et encourager des comportements responsables chez les garçons comme chez les filles.

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