Le socialisme, c'est quand vous avez deux vaches, que vos voisins vous aident à vous en occuper et que vous partagez le lait. Le communisme, c'est quand vous avez deux vaches et que le gouvernement vous les confisque et vous donne le lait.

M'inspirant de ces analogies humoristiques bien populaires sur la Toile, il m'arrive de penser que la démocratie est le seul système politique où, lorsque vous avez deux vaches, vous pouvez aussi voter pour orienter les politiques nationales du lait. Si vous ne le faites pas, vous pouvez voir arriver au pouvoir un intolérant au lactose qui décidera alors que le lait de vache n'a aucun rôle dans l'alimentation humaine. C'est pour ça qu'à chaque élection, il faut se rappeler cette sage pensée africaine que m'a confiée un jour l'ancien maire de Québec, Jean-Paul L'Allier : « Ce qu'on veut faire pour vous, si on le fait sans vous, on risque de le faire contre vous. »

Voilà le genre d'enseignement que j'aurais aimé donner à mon fils pour lui faire réaliser notre chance de vivre dans une démocratie libérale. Malheureusement, j'ai aujourd'hui bien des réserves sur ce qu'on a l'habitude de nous présenter comme le moins pire des systèmes. Je me demande même si voter est encore une façon de changer les choses.

La politique est-elle aussi devenue l'art de dire aux électeurs ce qu'ils veulent entendre et une fois élu, de travailler pour ses amis, donateurs et autres groupes d'influence qui cherchent à ouvrir des portes qu'on voudrait garder fermées ? Est-il éthiquement acceptable que des politiciens défroqués, très recherchés par le privé pour leurs relations tentaculaires, se recyclent en démarcheurs pour l'industrie et travaillent à soudoyer leurs anciens collègues ?

La force de subversion des lobbies sur la démocratie est aujourd'hui si puissante que nous arrivons à une époque où de gigantesques groupes d'intérêts planétaires influenceront l'issue de toutes les élections et tiendront les décideurs politiques en laisse. 

Quand, pendant huit années consécutives, le président Obama a les mains totalement liées malgré une sérieuse volonté de contrôler les armes à feu, c'est qu'il a affaire à plus fort que lui.

Lorsqu'on voit des candidats qui rôtissent leur bacon sur des fusils d'assaut ou lancent leur campagne en mitraillant dans un centre de tir pour s'attirer la faveur des vendeurs d'armes, dans un pays où 10 000 personnes sont massacrées annuellement au fusil, on peut affirmer que la souveraineté du peuple est remplacée par celle de l'argent.

Les politiciens sous influence sont aux groupes d'intérêts qu'ils servent ce que les missionnaires étaient aux militaires pendant la colonisation de l'Afrique. Quand les missionnaires sont arrivés chez nous en Afrique, disait un ancien, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont ensuite convaincus de prier les yeux fermés et quand on a ouvert les yeux, ils avaient les terres et on avait la Bible. Comme tous ces apôtres du néolibéralisme et de l'antiétatisme qui charcutent les institutions publiques pour le bien de la nation, les missionnaires disaient aussi vouloir nous sortir de la noirceur et donner une belle vie aux générations qui allaient suivre. Ils avaient alors appris les langues locales et gagné la confiance des populations, qui ne savaient pas que tout ce stratagème était aussi une façon de cartographier le territoire et de récolter des renseignements pour ouvrir le chemin aux militaires qui devaient coloniser l'Afrique et offrir ses richesses à des intérêts étrangers. De la même façon, lorsque le néolibéralisme dit labourer pour notre bien, c'est que le privé se prépare à semer et récolter là où jadis poussait le bien commun.

Malgré tous ces obstacles à la vraie démocratie, le vote nous donne encore la possibilité de nous débarrasser d'un gouvernement qui ne représente pas nos valeurs. Et ça, c'est un grand privilège qu'il faut saisir.

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