Quand monsieur Couillard nous parle de ces nouvelles données sur l'état du béluga qui l'amènent à changer son fusil d'épaule, je trouve ça bien bizarre. C'est comme si cette grande vulnérabilité du béluga du Saint-Laurent était une nouvelle information alors que depuis quelques mois, c'est ce que tous les spécialistes essayent de lui faire comprendre.

Est-ce que l'aumône fédérale serait devenue moins pertinente juste parce qu'on a remplacé « espèce menacée » par « en voie de disparition » ? Je suis de ceux qui se méfient de ce revirement soudain, qui ressemble à plan de communication pour sortir dignement d'une soupe devenue trop chaude.

Mais au-delà du sursis accordé au béluga, c'est cette impression que, depuis quelques années, les conservateurs ouvrent stratégiquement le chemin du Saint-Laurent à coups de machette au pétrole albertain qui me dérange profondément. Comme le disait une de mes amies, monsieur Harper nous passe tellement de sapins depuis qu'il est pouvoir qu'on devra bientôt le remercier d'avoir reboisé la forêt boréale. Pour mettre les pièces du casse-tête ensemble, je vais poser des questions sur le sujet et vous laisser trouver vos propres réponses, mais en gardant toujours le pétrole en mémoire.

Pourquoi, depuis qu'il est majoritaire, le gouvernement conservateur ne cesse de sabrer dans les programmes de recherche en écotoxicologie du ministère fédéral des Pêches et Océans ? Pourquoi, à l'Institut Maurice-Lamontagne de Sainte-Flavie, le Laboratoire d'expertise pour l'analyse chimique aquatique (LEACA) a-t-il été victime d'un coup de bistouri qui a emporté huit chercheurs qui travaillaient sur l'impact des contaminants, dont les hydrocarbures, sur les organismes marins ? Une initiative qui a largement été décriée par les scientifiques qui s'intéressent au monitorage à long terme de la santé des bélugas.

Pourquoi, une fois ces « dérangeants » spécialistes hors des laboratoires et les chercheurs encore actifs bien muselés, le projet de loi omnibus C-38 a-t-il transféré à l'Office national de l'énergie la compétence première de déterminer les impacts éventuels d'un projet d'oléoduc sur les espèces menacées ? Pourquoi le gouvernement Harper a-t-il abrogé, il y a un an, ce règlement fédéral qui interdisait la circulation de navires de plus de 32 mètres de large sur le chenal laurentien ? Pourquoi le gouvernement Harper a-t-il mis à mort la seule initiative québécoise qui visait à l'établissement d'une zone de protection marine sur laquelle des spécialistes dévoués travaillaient depuis quinze ans ? Pourquoi, comme par hasard, cette zone qui devait couvrir une superficie de 6000 km2 incluait cette pouponnière des bélugas tant convoitée ?

Des questions au Québec

Pendant que vous cherchez vos réponses, j'enchaîne sur une autre interrogation. Pourquoi le gouvernement du Québec, qui a investi beaucoup d'argent pour chercher du pétrole dans le golfe du Saint-Laurent, a-t-il décidé d'offrir la province en pitance à son compétiteur éventuel ? Si dans quatre ans, le Québec devient producteur de pétrole, que va-t-on faire ? Allons-nous demander à TransCanada de débrancher ses tuyaux des raffineries du Québec pour laisser la place à notre propre pétrole ?

Cette dernière question s'adresse à monsieur Couillard, mais aussi au Parti québécois. Pendant qu'ils cherchent la réponse, je voudrais saluer la combativité de celui qu'on surnomme le parrain du béluga, Pierre Béland, qui m'avait juré qu'il faudrait lui passer sur le corps avant de réaliser le projet à Cacouna. Alors, Pierre, malgré ton bouquin intitulé L'adieu aux baleines, le spectacle n'est pas terminé. Merci à toi, à Robert Michaud et à tous ceux qui ont crié haut et fort et donné de leur temps dans le seul but d'assurer un avenir à la terre et non pour satisfaire une poignée d'actionnaires.

Un projet piloté par des bulldozers armés d'un plan de communication à l'américaine et soutenu par une droite allergique au mot environnement ne sera jamais applaudi sans questionnement au Québec. C'est cette capacité de se tenir debout devant ceux qui se croient tout permis qui ravive profondément ma fierté d'être Québécois.

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