Comme la majorité des gens, j'essaye de faire du mieux que je peux dans cette responsabilité collective qu'est la protection de notre petite planète bleue. Je comprends aussi que les systèmes de production et le mode de vie que nous avons choisi font du pétrole un produit incontournable et très convoité. Mais si je dois choisir entre les hydrocarbures et le H2O, je préfère la molécule d'eau, et ce, pour des raisons qui vont au-delà des changements climatiques.

Le pétrole répond à un désir de l'humanité alors que l'eau est pour nous un besoin irremplaçable. C'est à l'eau liquide que nous devons notre existence sur cette planète. Comme le dit souvent Hubert Reeves, nous sommes les gagnants du gros lot d'un 6/49 cosmique. Un tirage qui a positionné la Terre entre Mars et Vénus, à l'intérieur d'une étroite bande du système solaire compatible avec la présence d'eau liquide. Si notre planète était plus proche de Mars, l'eau gèlerait, et si elle était plus proche de Vénus, ce serait l'évaporation.

Trois milliards d'années de vie s'écouleront dans cette eau liquide avant que les premiers animaux marins ne partent à la conquête de la terre ferme. Pour ceux qui veulent découvrir cette révolution du Dévonien, je recommande les falaises rouges du musée de paléontologie de Miguasha. On vous y présentera un fossile appelé Eusthenopteron foordi, le «Prince de Miguasha». Un poisson vieux de 380 millions d'années qu'on a découvert en Gaspésie et dont les nageoires pectorales ressemblent un peu aux pattes des tétrapodes que nous sommes. Une sorte d'intermédiaire entre la vie marine et la vie terrestre.

Si je préfère l'eau au pétrole, c'est qu'en plus de lui devoir notre existence, nous sommes tellement inféodés à cette mer primitive qui nous a vus naître que nous ne l'avons jamais quittée. Au contraire, nous l'avons internalisée sous forme de liquides physiologiques salés, qui baignent nos cellules et circulent dans nos vaisseaux sanguins, semblables à des rivières. Cette dépendance à l'eau explique que nos foetus grandissent dans une mer appelée le liquide amniotique et nos spermatozoïdes, bien adaptés à la nage, ressemblent à de petites anguilles. C'est aussi pour cette raison que l'histoire du Québec s'est jouée sur les battures du Saint-Laurent.

Au-delà de son impact décrié sur la santé de la Terre, nous devons en grande partie au pétrole les guerres d'indépendance de l'Indonésie, de l'Algérie et de l'Angola. Le pétrole c'est aussi: la guerre du Biafra; le conflit frontalier entre le Nigeria et le Cameroun; la guerre entre le nord et le sud du Soudan; le conflit entre l'Équateur et le Pérou; l'une des causes de la Seconde Guerre mondiale; l'invasion du Koweït par l'Irak; l'invasion de l'Irak par George Bush; l'invasion de la Libye initiée par la France; le nerf de la guerre civile en Syrie; le financement du terrorisme international; le groupe État islamique en Irak et au Levant (EI); une partie de la guerre en Ukraine; l'alliance entre Roosevelt et le prince Ibn Saoud, qui fait encore que l'Arabie saoudite reste impunément l'une des nations les plus liberticides de la planète. Le pétrole, c'est aussi les tensions probables à venir entre le Canada et la Russie pour le contrôle de l'Arctique.

En terminant cette énumération qui n'a rien d'exhaustif, je voudrais simplement dire que si l'eau symbolise la vie, le pétrole traîne dans son sillage l'injustice et la mort. Si bien qu'il m'arrive de penser qu'au-delà de son rôle dans les changements climatiques, sa marginalisation progressive au profit des énergies vertes pourrait être une bonne contribution à la pacification de l'humanité. Mais bon, peut-être suis-je un utopiste trop amoureux du Saint-Laurent, aussi!

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