Au Moyen Âge, le carnaval servait de presto: l'ordre étouffant et immuable dans lequel vivaient les gens était temporairement suspendu, voire inversé: des paysans pouvaient alors faire des pitreries licencieuses, déguisés en évêques, sans être inquiétés d'aucun châtiment.

Rio de Janeiro est connue pour son carnaval. Mais à partir de mardi, des jeunes de partout sur la planète y convergeront pour danser dans ses rues, lors d'un tout autre événement: les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ).

Quel rapport entre ce qui apparaît comme un festival de la foi catholique et le carnaval? Le renversement qui s'y produit. Renversement des rôles sociaux dans un carnaval; renversement du statut social de la foi lors des JMJ.

Pour bien des jeunes catholiques occidentaux, vivre leur foi, ou plus modestement leur quête de sens dans le giron plus ou moins immédiat de l'Église, est une expérience malaisée. Le climat intellectuel dominant leur suggère constamment que la foi est toujours suspecte de travailler contre la raison. Contre la paix. Contre l'épanouissement personnel. Dans cette atmosphère de suspicion, exprimer son adhésion au Christ, c'est risquer de paraître fanatique. Ou pire encore pour les plus jeunes: démodé.

Or, lors des JMJ, ce qui est habituellement ringard devient cool. Des millions de jeunes sortent de leur village d'irréductibles chanteurs de Gloria pour découvrir qu'ils ne sont pas seuls à être insatisfaits des paillettes d'un monde plat. Qu'ils ne sont pas seuls à chercher à vivre et à chanter un mystère d'amour.

Évidemment, tout ne se vit pas sur un mode aussi profond lors des JMJ. J'ai participé à celles de Madrid en 2011. J'ai constaté que les motivations de chacun diffèrent sensiblement: pendant que certains font preuve d'une discipline remarquable pour vivre quelque chose qui ressemble à un pèlerinage, d'autres prennent volontiers d'assaut les boutiques ou passent des heures à enjoliver leur page Facebook de photographies exotiques. Mais peu importe les motivations de base, tous doivent finalement quitter leur confort pour s'astreindre à une certaine vie communautaire et frugale.

Bientôt, des journalistes du monde entier scruteront les moindres paroles et gestes du pape François. Toutefois, il serait dommage que la présence du pape éclipse l'essentiel: la rencontre de millions de jeunes qui cherchent de bonnes raisons d'espérer que les cercles vicieux du relativisme et du cynisme ne se refermeront pas sur leur vie. Le Brésil a beau être fort éloigné et la foi catholique passée au crible dans nos contrées; il reste que des dizaines de jeunes Québécois reviendront bientôt décomplexés, avec plus d'assurance et plus d'ouverture sur le monde. Indéniablement, c'est un motif de réjouissance pour tous.

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