La confiance n'a jamais régné entre troupes étrangères et une partie de la population afghane. Depuis 2001, ces troupes sont vues comme une armée d'occupation. La méfiance s'est maintenant propagée au sein même des forces afghanes où certains éléments n'hésitent plus à tuer de sang-froid des soldats occidentaux qui les forment. Dans ces conditions, le retrait d'Afghanistan risque d'être très pénible.

Lundi, le commandant de la Force internationale de sécurité et d'assistance, le général américain John Allen, a pris une décision exceptionnelle. Il a ordonné aux troupes internationales de réduire considérablement les opérations conjointes avec les forces afghanes. Le temps semble être terminé où la philosophie de la FIAS reposait sur la notion du travail «côte à côte» entre soldats occidentaux et afghans. C'est que cette cohabitation est devenue mortelle pour les troupes de l'OTAN. Depuis le début de l'année, 51 policiers et soldats occidentaux ont été abattus par des «confrères» afghans. C'est presque autant qu'au cours des cinq années précédentes.

Selon les services de renseignements américains et français, il n'y a pas de doute sur les coupables: des talibans ont infiltré les forces afghanes pour faire dérailler la transition qui doit se terminer en 2014.

Mais au-delà de ces assassinats et de la réaction de l'OTAN, c'est l'avenir de l'Afghanistan qui est, encore une fois, en jeu. On ne doute pas que la communauté internationale en général et les Occidentaux en particulier désirent rester sur place après 2014 afin de soutenir une fragile reconstruction politique et économique. Beaucoup a été fait dans ce domaine depuis le renversement des talibans il y a 11 ans. Il y a davantage d'écoles et d'hôpitaux, de routes et de communications, dans certaines provinces, plus de sécurité et de développement.

Il manque toutefois un ingrédient indispensable pour consolider les acquis et cheminer vers l'avenir: une vraie réconciliation nationale.

La réconciliation fait encore défaut. Il y a deux ans, des négociations - officieuses - entre différentes parties au conflit afghan ont commencé à Doha, au Qatar et n'ont produit depuis que de minces résultats. Afin de relancer les pourparlers, plusieurs pays ont organisé des séminaires réunissant membres de la société civile afghane, représentants officiels des factions et experts occidentaux.

Ainsi, la France a accueilli depuis décembre 2011 deux rencontres, et une troisième est prévue d'ici la fin de l'année. Pour les organisateurs, l'objectif est simple: favoriser des rencontres discrètes, à l'abri des médias et des pressions politiques, pour établir des ponts et construire «les bases de futures alliances qui stabiliseront la scène politique afghane.» Ce genre de forum ressemble aux négociations secrètes des années 90 entre Palestiniens et Israéliens, à Oslo, ou entre les parties au conflit en Irlande du Nord.

L'issue reste pourtant incertaine. La paix règne en Irlande du Nord, mais pas entre Israéliens et Palestiniens. En Afghanistan et ailleurs, comme au Pakistan, des forces puissantes mettent tout en oeuvre pour saboter le processus. La méthode est souvent brutale: plusieurs leaders talibans et afghans ont été assassinés, dont un ancien président. Certains leaders talibans refusent toute négociation avec le régime Karzai, qualifié de corrompu. Du côté gouvernemental, on doute de la représentativité et de l'engagement des talibans prêts à dialoguer.

Pendant ce temps, l'OTAN - dont le Canada - plie bagage, sous le feu nourri et quotidien des insurgés. Les Occidentaux sont impatients. «Il existe dans nos pays une lassitude vis-à-vis de l'Afghanistan», estime le chef d'état-major de la force de l'OTAN, le général français Olivier de Bavinchove. «Il est temps que les Afghans prennent leurs responsabilités.» Oui, pourvu qu'ils disposent des moyens nécessaires.

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