Cette fois, Donald Trump a été trop loin. Encore plus qu'à son habitude... En déchirant l'entente du G7 avant même que l'encre ne sèche, il a perdu le peu de confiance que ses alliés pouvaient encore avoir envers lui.

Est-ce l'erreur de trop? On aimerait le croire. C'est aussi ce qu'on pensait lorsqu'il avait cautionné les agressions néonazies à Charleston, ou qu'il voulait congédier le procureur spécial Mueller qui enquête sur ses liens avec la Russie. Mais à chaque fois, il ne faisait que se réchauffer pour tomber encore plus bas.

Voilà le problème avec le président américain : il repousse lui-même notre tolérance. Il nous habitue à son indignité. À chacune de ses attaques contre la vérité ou la décence élémentaire, il nous désensibilise un peu plus. On pourrait presque croire que c'est devenu «normal». Pourtant, ça ne l'est pas.

Hier à La Malbaie, M. Trump a commis un affront sans précédent à ses alliés.

Il est vrai que les relations au sein du G7 ont déjà été fielleuses, comme en 2003 lors de l'invasion de l'Irak. Mais il s'agissait de désaccords sur des enjeux. Cette fois, c'est un désaccord sur la nature même du sommet.

Pour les six autres pays, il s'agissait d'une occasion de parler de commerce ou d'environnement. Tandis que pour M. Trump, il s'agissait d'un spectacle. Le président a joué son habituel rôle bipolaire : doucereux quand il rencontre ses alliés, puis hargneux dès qu'il leur tourne le dos. Comme s'il se plaisait à hausser les attentes pour mieux savourer ensuite leur déception.

Les membres du G7 n'ont pas le choix d'en tirer l'inquiétante conclusion : la parole de l'homme le plus puissant du monde ne vaut rien.

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Des partisans de M. Trump sont tentés d'y voir une stratégie de négociation. Au début de son mandat, certains établissaient un parallèle avec la «théorie du fou (madman)» de Richard Nixon. En étant imprévisible, il forçait ses adversaires à la docilité. Or, il y a deux problèmes avec cette analogie. Elle n'a pas très bien fonctionné pour M. Nixon, et elle ne s'applique pas à M. Trump. Contrairement à ce que croit le ministre anglais Boris Johnson, il n'y a pas de plan derrière ce chaos. Que des dégâts qui se multiplient.

D'ailleurs, sa feuille de route parle pour lui. Des commentateurs citaient cette semaine le nouvel essai The Real Trump Deal, qui recense ses défaites comme négociateur.

Reste que cela ne rassure pas le Canada et les autres membres du G7. La question demeure : que faire? Tout le monde se gratte la tête.

Car pour élaborer une stratégie, il faut anticiper la réaction de son adversaire. Or, comment savoir comment réagira un président si irrationnel, avec qui on ne peut même pas s'entendre sur des faits élémentaires comme la somme du déficit commercial? Comment négocier avec quelqu'un pour qui 2 et 2 font 5 quand cela l'arrange?

Justin Trudeau et Emmanuel Macron ont tout essayé dans les dernières semaines : les flatteries, la main tendue, la diplomatie de coulisses, la fermeté, les menaces. Rien n'a fonctionné. Et même si cela avait fonctionné, il suffirait un tweet pour que tout s'écroule.

Ce n'est plus une stratégie de négociation, c'est une façon de convaincre les autres que négocier ne sert à rien.

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On ne veut toutefois pas exagérer l'impact du retrait américain de la déclaration du G7. On y trouvait peu de gains. Même avec cette déclaration, les grands désaccords seraient demeurés, comme les tarifs commerciaux, l'accord nucléaire avec l'Iran ou encore le retrait de l'Accord de Paris sur le climat.

On ne veut pas non plus prétendre qu'il existe maintenant un G6 qui fait front commun contre les États-Unis. L'instable gouvernement populiste de l'Italie lui est plutôt sympathique, et le reste de l'Europe ne parle plus d'une voix.

Pour le Canada, les options commencent à manquer. Il ne reste plus qu'à attacher sa ceinture, riposter coup pour coup avec les tarifs et espérer que l'ouragan finisse par passer.

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