Les prochaines lignes ne seront pas très convaincantes, mais on s'essaie quand même.

Tous les partis devraient se liguer pour reporter en 2020 les élections scolaires, tel que le prévoit un projet de loi que songe à déposer le gouvernement Couillard. Qu'ils se pincent le nez si nécessaire.

Qu'est-ce qui changera dans les écoles? Pas grand-chose. La même crise de légitimité demeurera. Des commissaires élus par une poignée d'électeurs, souvent sans opposition, continueront d'imposer leur idéologie. Ils continueront, par exemple, de décider si les élèves en difficulté doivent être intégrés ou non aux classes régulières, et de gérer les orthopédagogues et psychoéducateurs.

Mais cette immobilité reste préférable à l'autre option : le recul. 

Car c'est ce qui menace la démocratie scolaire l'automne prochain : un recul du taux de participation déjà famélique. Et par conséquent, un recul de la déjà très faible légitimité des commissaires et présidents élus.

Les prochaines élections scolaires sont prévues au début novembre. Soit seulement un mois après le scrutin provincial. Cela fait beaucoup de politique pour un automne...

Les débats sur la démocratie scolaire, quand ils existent, n'intéressent à peu près personne. Faites l'exercice : quels sont vos commissaires et votre président? Quelles idées défendaient-ils? Et quels étaient leurs adversaires? C'est ce qu'on pensait...

On ne veut pas donner de leçon aux électeurs. Que celui qui a voté à chaque élection scolaire jette la première pierre.

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On sait depuis 2014 que la prochaine campagne scolaire chevauchera celle de la politique provinciale. Il n'était pas trop tard pour se rendre compte de ce risque évident.

L'automne prochain, la course entre libéraux, péquistes, caquistes et solidaires éclipsera celles dans les 72 commissions scolaires du Québec. Il y a une limite au nombre d'affiches qu'on peut coller sur les poteaux. Et il y a une limite à la capacité d'attention des électeurs. Déjà saturés de politique, ils risquent moins que jamais de suivre les débats des commissions scolaires.

Que faire? Québec pourrait reporter l'élection scolaire en 2019, mais une nouvelle éclipse surviendra à cause de la campagne fédérale. Même chose pour la suggestion d'organiser désormais l'élection scolaire en même temps que l'élection municipale. Avec le risque ajouté que les citoyens soient confus entre les enjeux municipaux et scolaires.

La moins pire solution est donc de reporter l'élection scolaire en 2020. 

C'est ce que propose la Fédération des commissions scolaires du Québec, et le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, y est aussi favorable. Cela exige toutefois un changement à la loi, adoptée à l'unanimité.

Même si les partis sont d'accord en principe, ils attendent de voir le projet de loi avant de se compromettre. Leur prudence se comprend. Après tout, cette loi prolongerait de deux ans le mandat des commissaires et présidents. Cela dépasse le mandat démocratique qui leur a été accordé. Des élus pourraient démissionner d'eux-mêmes, ce qui déclencherait de coûteuses partielles. Reste que ce gaspillage est évitable - les commissaires n'auraient qu'à se désigner entre eux un successeur pour la courte fin de mandat. Après tout, ils se présentent près de la moitié du temps sans opposition, avec l'appui d'une minorité des électeurs.

Et surtout, le report aurait un grand avantage : donner assez de temps au Directeur général des élections pour instaurer le vote électronique. Ce sera une ultime tentative pour intéresser les Québécois à la démocratie scolaire.

La participation anémique pose un sérieux problème. Les commissions scolaires possèdent une grande influence. Ce sont elles qui gèrent les rénovations et les agrandissements d'écoles. Elles aussi qui gèrent les conventions collectives locales, qui décident où envoyer les spécialistes pour les élèves en difficulté, et qui supervisent l'application du programme pédagogique. Cela constitue beaucoup de pouvoir pour des élus dont on méconnaît autant le nom que les idées.

Avec ce report et le vote électronique, la démocratie scolaire obtiendrait sa dernière chance pour rebâtir sa légitimité. Elle devrait la saisir. D'autant plus que la Coalition avenir Québec, qui prétend au pouvoir, affûte son scalpel*.

* La CAQ propose d'annuler les élections scolaires. Elle convertirait les commissions scolaires en centres de services partagés, qui seraient dirigés par des non-élus au service des écoles.

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