Faut-il en rire ? À minuit moins une, le gouvernement Couillard regarde le sablier puis s'exclame : ciel, comme le temps passe ! Nous aimerions tant réformer la Loi sur l'accès à l'information, mais notre mandat achève et le sujet est compliqué...

Pour une rare fois, on se permet d'enfoncer la touche « majuscule ».

VOUS AVIEZ QUATRE ANS POUR FAIRE QUELQUE CHOSE. QUATRE ANS. QUATRE !

La ministre de la Réforme des institutions démocratiques, Kathleen Weil, prétend que les médias « ne comprennent pas » l'ampleur de la tâche. Voyez-vous, il faut du temps pour récrire cette loi. Il faut trouver le bon équilibre.

Bon point. C'est justement pour cela qu'il ne fallait pas commencer le travail alors que la cloche s'apprête à sonner.

Ce n'était pourtant pas censé se dérouler ainsi. Le lendemain de son élection, le 15 avril 2014, Philippe Couillard convoquait les médias à l'Assemblée nationale pour sa première conférence de presse. On le cite. « Mon intention est de donner aux Québécois et aux Québécoises le gouvernement le plus transparent qu'ils auront eu au Québec », disait alors le chef libéral.

S'ensuivait un éloge de la transparence de Barack Obama et des fameux Scandinaves.

Le gouvernement pourrait être « beaucoup plus proactif dans la communication de renseignements à la population », ajoutait M. Couillard. Et, insistait-il, cela passe « nécessairement par une révision de la Loi d'accès à l'information ».

Et depuis ? Tempus fugit... Plus de 48 mois ont passé.

Mercredi dernier, la ministre Weil a assuré qu'elle déposerait « très, très, très prochainement » un projet de loi. Trop tard. L'Assemblée nationale cessera de siéger au début du mois de juin. Ensuite, ce sera la pause estivale et la campagne électorale. Impossible d'étudier sérieusement en quelques jours un projet de loi si technique.

La semaine dernière, dans un rare geste d'unité, les patrons des différents médias du Québec ont dénoncé ensemble l'opacité de Québec. Et ils ne sont pas les seuls à s'inquiéter. Car, on insiste, il ne s'agit pas que d'un problème de journalistes. Deux exemples parmi tant d'autres : les chercheurs qui veulent des données sur les juteux contrats offerts aux pharmaceutiques, et les pédagogues qui veulent savoir comment lutter efficacement contre le décrochage scolaire. De nombreux autres cas choquants ont récemment été rapportés dans les médias, entre autres dans une enquête du Journal de Montréal.

Quand les lumières se ferment, tout le monde y perd, à part ceux qui veulent se cacher.

En étudiant l'histoire du dossier, on comprend que la culture de l'opacité s'enracine depuis longtemps dans l'État.

En vertu de la loi, le Commissaire de l'accès à l'information doit déposer un rapport chaque cinq ans. Il présente ensuite ses recommandations aux élus à l'Assemblée nationale. En 2011, il déplorait les trous dans la loi. En 2016, il déplorait à nouveau les trous dans la loi. Et en 2021 ? On croise les doigts.

***

Même si le dossier est technique, il se résume à une idée toute simple. L'information devrait être publique par défaut. C'est pour la garder secrète que l'État devrait se justifier, et non l'inverse.

Or, le contraire s'observe. L'exception reste encore la règle. L'information est privée par défaut, et il faut se battre pour convaincre l'État de la dévoiler. L'article 34 de la loi en constitue le pire exemple. Selon cet article, si un document se trouve dans les mains d'un élu, il est confidentiel « à moins que le député ne le juge opportun ». C'est-à-dire à peu près jamais.

Autre problème, les organismes publics qui invoquent le secret commercial pour dépenser des fonds publics à l'abri des regards. Ce n'est pas une loi d'accès à l'information, c'est un bouclier pour se cacher. 

Et il n'y a pas que les élus qui en profitent. À en juger par l'extrême lenteur du dossier, la machine étatique adore travailler dans l'ombre. Chaque ministre qui hérite du dossier doit se battre contre ses propres fonctionnaires.

Voilà justement pourquoi il faut un gouvernement qui prend le dossier au sérieux. Pas seulement dans ses déclarations, mais dans ses gestes. Ce gouvernement-là, on le cherche encore.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion