Le gouvernement Trudeau parle si souvent de la «classe moyenne» qu'il en bégaye.

Dans le dernier budget, elle figurait encore dans le titre. Elle apparaissait aussi comme un message subliminal dans la photo d'une famille qui court vers la lumière, impatiente de découvrir l'avenir radieux que le budget lui réserve. 

Mais au-delà des mots et des images, aide-t-il? La réponse : un peu à court terme, et probablement encore plus à long terme.

C'est quoi, la classe moyenne?

La réponse n'est pas simple. D'abord, parce que la classe moyenne est une expression plus utile pour un sociologue que pour un économiste. Il n'en existe pas une définition chiffrée claire. Difficile de dire qui en fait partie. C'est d'ailleurs ce qui la rend si populaire auprès des politiciens : presque tout le monde croit y appartenir, et chacun s'imagine donc que les libéraux travaille pour lui...

Ensuite, la réponse est difficile à trouver parce que même si une telle définition de classe moyenne existait, il n'y a pas encore de chiffres à jour pour mesurer les effets des trois budgets du gouvernement Trudeau. Les plus récentes données du recensement ou de l'enquête sur le revenu remontent à 2015, soit avant l'adoption du premier budget libéral.

Malgré tout, on peut dégager deux constats du bilan de mi-mandat de M. Trudeau.

Le premier, positif : après avoir favorisé en début de mandat les gens de la classe moyenne supérieure, le nouveau budget du gouvernement Trudeau cible maintenant le coeur de la classe moyenne ainsi que ceux trop pauvres pour en faire partie.

Le second, négatif : la classe moyenne sert parfois aussi de prétexte pour défendre l'indéfendable, comme le cadeau fiscal aux géants étrangers comme Netflix, Facebook et Google.

Il ne faut pas «taxer la classe moyenne», répète sans rire le gouvernement Trudeau. À force de le dire, peut-être a-t-il fini par se croire. Il serait bien le seul...

Le nouveau budget

Le nouveau budget libéral dévoilé la semaine dernière contient plusieurs mesures pour les citoyens aux revenus modestes.

On aide en transférant de l'argent, comme avec l'allocation pour le travail, ceux qui peinent à sortir de la pauvreté malgré leur emploi. Cet impact sera immédiat.

Et on aide aussi en offrant plus de services. Aux gens sous la classe moyenne, on promet constructions et rénovations de logements abordables. Et pour la classe moyenne, on promet des garderies, des congés parentaux ainsi qu'une consultation sur un vague projet d'assurance-médicaments - idée volée à la dernière minute aux néo-démocrates. L'impact de ces annonces reste incertain, car on est plus proche de la ligne de départ que du fil d'arrivée. Ottawa n'a créé que des programmes généraux. Tous les détails restent à être négociés avec les provinces et les municipalités. Et le Québec en verra moins les effets, car il dispose déjà d'un réseau de garderies, d'une assurance-médicaments et de congés parentaux plus généreux. Ce que le Québec peut espérer, c'est une compensation adéquate pour payer d'autres dépenses.

Cela n'en fait pas de mauvaises mesures, mais la «classe moyenne» est encore loin d'en voir les retombées.

Les deux premiers budgets

Dans leurs deux premiers budgets, les libéraux se vantent d'avoir renforcé la classe moyenne en baissant ses impôts et en haussant ses transferts par l'entremise de la nouvelle allocation pour enfants.

Pour les impôts, ils ont en partie raison. Les libéraux ont bel et bien baissé le taux d'imposition pour les revenus situés entre 45 000 et 90 000 $ - il passe de 22% à 20,5%. Et en contrepartie, ils ont haussé le taux pour les revenus de plus de 200 000 $ - de 29% à 33%. On demande donc plus aux contribuables à revenu élevé.

Par contre, ce rééquilibrage ne favorise pas tout à fait la classe moyenne. C'est plutôt la classe moyenne supérieure, qui gagne près de 90 000 $, qui en profite le plus. Aussi, contrairement à ce que promettaient les libéraux, cette réforme ne se fait pas à coût nul. Et enfin, ce n'était peut-être pas le moyen le plus efficace d'en demander plus aux très riches, dont les revenus proviennent moins de salaire que de gains en capital ou de dividende, encore imposés à un taux avantageux.

Bref, sans être mauvaise, la réforme du taux d'imposition n'est pas à la hauteur des prétentions libérales.

Par contre, pour leur nouvelle allocation pour enfants, les libéraux ont raison de se vanter. Ils ont nettement amélioré celle créée par les conservateurs de Stephen Harper. L'allocation n'est plus imposée, et elle varie inversement avec le revenu. Moins une famille est riche, plus elle en reçoit. C'est un outil de redistribution qui profitera à la classe moyenne.

Par contre, avec l'évitement fiscal et la taxation des géants en ligne, les libéraux continuent le travail des conservateurs. C'est-à-dire ne rien faire. Pis, M. Trudeau utilise la classe moyenne pour justifier son inaction. Voilà une autre belle preuve que l'insaisissable classe moyenne sert à justifier un peu n'importe quoi.

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