En 1983, Guy Lafleur comptait 30 buts, René Lévesque et Pierre Elliott Trudeau étaient premiers ministres et il n'était pas encore possible de montrer son plat principal sur Instagram.

C'est à cette belle époque que restent coincées les lois québécoises et canadiennes sur l'accès à l'information. Et malgré les promesses des gouvernements Couillard et Trudeau, il se peut que rien ne change avant les prochaines élections.

Pourtant, les deux avaient promis qu'ils dirigeraient un gouvernement «ouvert et transparent». Tout comme leurs prédécesseurs, d'ailleurs.

Mais les réformes promises de la loi sont encore attendues. D'ici là, on reste avec des lois qui datent de l'ère du fax.

Le sujet paraît abstrait, mais ses conséquences sont concrètes. Par exemple, la loi sert de bouclier pour empêcher de savoir beaucoup de choses. Comme le coût de la controversée série de la CBC sur le 150e anniversaire du Canada, ou l'argent versé au chef français Joël Robuchon pour son Atelier au Casino. Les lois fédérales et provinciales permettent à ces sociétés d'État de prétendre qu'il s'agit là de «secret commercial». Et elles obtiennent ainsi le droit de dépenser de l'argent public sans toujours rendre des comptes.

Ces lois sont pleines de trous. Elles s'appliquent à un trop petit nombre d'organismes publics, et elles prévoient plein de boucliers pour ceux à qui elle est censée s'appliquer. Le secret commercial n'est qu'un problème parmi plusieurs autres.

Par exemple, au fédéral, les cabinets de ministres n'y sont pas assujettis. Et si un organisme esquive une demande, il n'est pas trop embêté, car la commissaire à l'accès ne peut lui ordonner de diffuser de l'info. Et à Québec, les élus peuvent garder un document confidentiel s'ils le jugent «opportun», ce qui équivaut à un droit de veto.

À Ottawa comme à Québec, la solution est connue. Il faut rendre les informations publiques par défaut, puis évaluer les demandes en fonction de l'intérêt public, et punir ceux qui refusent la transparence sans bonne raison. Alors, pourquoi peu de choses changent?

Au fédéral, les libéraux pourraient procéder en deux étapes, comme ils le prévoyaient initialement. D'abord, en remplaçant les inutiles clauses d'exception par une clause qui évaluerait les demandes en fonction de «l'intérêt public». Puis ensuite, en déposant une réforme globale, basée sur les 95 recommandations de la commissaire à l'accès à l'information.

Mais le ministre responsable de la réforme, Scott Brison, a annoncé à la veille du dernier budget qu'il ne se donnait plus d'échéancier. On n'agit pas autrement quand on veut enterrerun projet.

À la décharge du gouvernement Trudeau, il permet désormais au personnel politique et aux experts de parler aux médias. C'est un immense gain par rapport aux conservateurs. Mais pour la réforme, le scepticisme est justifié, car on a déjà vécu le même scénario à Québec.

En 2011, le rapport quinquennal de la commissaire provinciale sur l'accès à l'information démontrait l'urgence d'une réforme. Les libéraux et les péquistes ont promis de s'y attaquer, mais rien n'a changé. L'automne dernier, le nouveau rapport quinquennal du commissaire reprenait donc le même constat.

Il est vrai que le gouvernement Couillard commence à bouger. Son dernier budget a répondu aux doléances des chercheurs, en confiant leurs demandes à l'Institut de la statistique. Et il est aussi vrai que le nouveau portail Données Québec publie de plus en plus d'information. Mais la révision de la loi reste nécessaire, et le temps risque de manquer. En effet, il reste 18 mois au mandat libéral et les projets de loi congestionnent la commission parlementaire chargée de les étudier : il y a déjà ceux sur les ordres professionnels et la neutralité religieuse, en plus de ceux attendus sur le lobbyisme et l'éthique.

Québec et Ottawa assurent avoir de bonnes intentions, mais on a déjà vu où cela mène : pas très loin de la zone de confort du gouvernement.

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