Le Québec a l'expérience des échecs en réforme du mode de scrutin, mais il peut quand même s'inspirer de celui, presque parfait, du gouvernement Trudeau. Du début à la fin, les libéraux fédéraux ont offert une monumentale leçon de ce qu'il ne faut pas faire.

Ils promettaient de lutter contre le désabusement des électeurs. Mais, comble de l'ironie, ils ont profité du cynisme tout en prétendant le combattre. Malhonnêteté ou incompétence? Les deux ne s'excluent pas...

Cette succession d'erreurs a culminé mercredi quand les libéraux ont abandonné leur promesse de changer le mode de scrutin.

Cela a suscité beaucoup de colère, mais peu de surprise.

Le Québec pourrait à son tour plonger dans cette aventure en 2018. À l'exception des libéraux de Philippe Couillard, tous les partis se sont engagés à réformer le système actuel.

Comment ne pas répéter l'échec de M. Trudeau? En précisant à l'avance le nouveau mode de scrutin et la façon de valider le choix avec la population, puis en désignant après l'élection un ministre compétent.

À Ottawa, hélas, le ver était dans le fruit dès le départ. Alors qu'il était troisième dans les sondages, le chef libéral a attiré l'attention en promettant que l'élection de 2016 serait la dernière avec le système actuel. C'était une promesse irresponsable, car il n'était pas certain de pouvoir la tenir.

Changer le mode de scrutin, c'est changer les règles du jeu. Tous les partis sont en conflit d'intérêts, car ils pourraient s'avantager. Voilà pourquoi un gouvernement ne devrait jamais le modifier à lui seul.

À l'automne 2018, les partis provinciaux devront donc expliquer comment ils procéderont. La première option -l'idéale- est de valider le choix par référendum, comme l'ont fait trois provinces canadiennes (Colombie-Britannique, Ontario et Île-du-Prince-Édouard). La seconde est de chercher l'appui des autres partis afin d'obtenir un vaste consensus, comme c'est le cas pour la carte électorale.

Le gouvernement Trudeau a rejeté la première option, puis a saboté l'autre.

Même s'il a obtenu une minorité des votes, il s'est initialement octroyé une majorité des sièges sur le comité multipartisan étudiant la réforme. Bref, il a profité du problème qu'il prétendait vouloir régler.

Malgré tout, le comité a accouché d'une recommandation crédible. Le gouvernement l'a ridiculisée, puis s'est moqué de l'ensemble des Canadiens avec une consultation bidon. Au lieu de vérifier quel système était le plus populaire, le sondage mesurait les opinions générales sur la démocratie. Sous prétexte d'avancer, on reculait.

En fait, recul est trop poli. On peut parler d'un capotage piloté par la ministre Maryam Monsef. Le dossier était bien sûr périlleux, mais c'est justement pour cela qu'il ne fallait pas le confier à une néophyte. Le gouvernement Trudeau se félicitait du symbole de cette réfugiée afghane devenue responsable des Institutions démocratiques. Avec elle, la politique de l'image a toutefois atteint ses limites.

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Au Québec, un pas important a été franchi en décembre dernier lorsque les péquistes, caquistes et solidaires ont signé une déclaration commune pour réformer le mode de scrutin, avec l'appui d'Option nationale et du Parti vert.

Il reste toutefois encore du travail à faire. Pour éviter les risques de dérapage, il serait préférable que les partis s'assurent d'avoir bien étudié les autres options, comme l'intéressant vote préférentiel. Il serait aussi sage de s'entendre à l'avance sur un choix et sur la façon de le faire valider après l'élection (référendum, vote au deux tiers des élus, etc.).

Et surtout, durant la campagne électorale, chaque parti devra formuler des engagements précis qu'il peut respecter.

À un moment donné, il faudra cesser de ne pas apprendre de nos erreurs.

Photomontage La Presse

Les libéraux fédéraux « promettaient de lutter contre le désabusement des électeurs. Mais, comble de l'ironie, ils ont profité du cynisme tout en prétendant le combattre », relève Paul Journet.

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