La dernière rencontre fédérale-provinciale des ministres de l'Environnement ressemblait à du mauvais théâtre d'été, avec du claquage de porte ridicule.

La Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador ont quitté la rencontre lundi, furieuses d'apprendre qu'Ottawa exigera partout au pays un prix plancher sur le carbone. Il commencera à 10 $/tonne en 2018, puis grimpera de 10 $ chaque année pour atteindre 50 $ en 2022.

Ce n'était pourtant pas une surprise. Le gouvernement Trudeau avait laissé entendre dès son élection qu'il le ferait, et sa ministre de l'Environnement Catherine McKenna l'avait confirmé il y a deux semaines. Il ne manquait plus que les modalités.

Et quand on examine ces détails, on constate qu'il n'y a rien de déraisonnable. Le fédéral ne s'ingère pas dans les compétences des provinces. C'est un soulagement, car le risque était réel ; Mme McKenna n'excluait pas d'imposer un régime unique d'un océan à l'autre.

En théorie, l'idée était bonne. À cause de l'inaction du précédent gouvernement Harper, la tarification du carbone s'est faite dans le désordre au Canada. Certaines provinces ont adopté un marché du carbone (Québec, Ontario), d'autres ont préféré une taxe (Colombie-Britannique), tandis qu'une minorité (Saskatchewan et Nouvelle-Écosse) ne fait rien. 

Cette mosaïque bancale rend les régimes très difficiles à comparer. On peine à savoir si une province en fait plus que les autres.

Or, pour que chaque province joue à partir des mêmes règles, il aurait fallu défaire des régimes déjà en place, et dans le cas du Québec, s'ingérer dans un marché conjoint avec la Californie. C'était indéfendable. Voilà pourquoi Ottawa a choisi la plus sage option : simplement exiger une taxe minimale sur le carbone ou s'assurer que les marchés du carbone correspondent à ce prix plancher.

Ottawa évite de deux autres façons de trop s'ingérer dans les compétences des provinces. On leur donne deux ans pour choisir leur modèle (taxe ou marché), et on les laisse aussi en gérer les revenus. La Saskatchewan pourra ainsi imiter la Colombie-Britannique en utilisant l'argent pour réduire d'autres taxes, ou s'inspirer plutôt du Québec en réinvestissant ces sommes dans un fonds vert (hélas très mal géré chez nous).

Enfin, ajoutons que le prix minimal imposé est faible. Dix dollars en 2018, cela reste trois fois moins que le tarif en Alberta et en Colombie-Britannique, et aussi nettement sous la moyenne de l'OCDE.

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Si quelqu'un aurait dû monter le ton, ce sont les autres provinces. Car le problème d'équité n'est pas là où on le croit.

L'explosion des émissions des provinces pétrolières est compensée dans le bilan canadien par les réductions dans les autres provinces. C'est donc grâce à ces efforts que l'Ouest peut encore prétendre que les sables bitumineux ne seraient pas forcément incompatibles avec l'Accord de Paris.

Et qu'ont obtenu ces provinces en retour ? Un désavantage commercial, car l'Alberta et la Saskatchewan protégeaient leurs industries en refusant de tarifier sérieusement le carbone.

La situation commence lentement à changer, avec le nouveau gouvernement néo-démocrate de l'Alberta, qui va enfin hausser le prix du carbone. Il ne reste plus que 20 % de la population canadienne qui vit dans une juridiction où le carbone n'est pas tarifié. Bref, une minorité qui profite des efforts des autres.

Bien sûr, la tarification du carbone ne suffira pas du tout à atteindre les cibles - pourtant modestes - de réduction de GES du Canada. Ce n'est donc pas un « plan climat » que le gouvernement Trudeau a présenté cette semaine. Mais c'est par là qu'il fallait commencer.

DEUX MÉCANISMES

La taxe et le marché du carbone sont deux mécanismes de marché qui tarifient les émissions de gaz à effet de serre (GES).

- Une taxe sur le carbone régule le prix des émissions de GES, et non la quantité totale de ces émissions.

- Un marché du carbone fait le contraire. Il établit un plafond d'émissions, puis laisse le marché dicter le prix.

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