Un petit travail de décontamination serait requis avant de poursuivre la consultation lancée par Ottawa sur le « contenu canadien à l'ère numérique ». Car ce débat, le gouvernement conservateur l'a réduit à une question tendancieuse : voulez-vous une « taxe Netflix » ? Et dans ce cas-ci, taxe était un mot qui s'écrivait en majuscules et qui se hurlait par la fenêtre. La réponse allait donc de soi : non, pitié, il n'en faut pas. Prochain appel, svp.

C'est avec cet héritage toxique que la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, a commencé son mandat. On ironise souvent sur la « consultationnite » aiguë des libéraux, mais dans ce cas-ci, l'exercice était nécessaire à cause de l'ampleur du casse-tête.

Le chantier est immense - il touche à huit lois et concerne des industries générant des milliards de revenus.

Le sujet le plus controversé est celui des productions audiovisuelles canadiennes. Deux questions se posent : comment les financer, et comment s'assurer qu'elles soient visibles ?

Seul le problème fait consensus.

Le système actuel n'est plus viable. Les câblodistributeurs versent une part de leurs revenus dans un fonds média, qui finance en retour la production locale. Or, cette enveloppe va se tarir parce que les téléspectateurs regardent de plus en plus leurs émissions sur d'autres plateformes.

Aussi, le système n'est plus équitable. Des diffuseurs de contenu en ligne comme Netflix ne contribuent pas au fonds, et ne paient même pas les taxes de vente. En parlant de « taxe Netflix », les conservateurs confondaient ces deux choses et réduisaient le débat au consumérisme.

Le strict minimum serait de commencer par réclamer le paiement des taxes de vente. Quant à la protection du contenu national, cela ne pourra pas se faire avec le modèle actuel. Il faudra en inventer un nouveau, pour protéger autant le financement que la visibilité de nos productions.

Pour la visibilité, les quotas sont inefficaces sur un site où les internautes choisissent ce qu'ils regardent. Le but n'est pas simplement que le contenu local existe, mais aussi qu'il soit trouvé. On pourrait par exemple exiger que la page d'accueil d'Apple Canada mette en valeur un contenu canadien.

Pour le financement, il faudra davantage se creuser la tête. En théorie, il n'y a pas de mal à vouloir règlementer l'internet. Le problème est pratique - il faudrait définir ce qu'est un diffuseur, puis contrôler ses activités au Canada. Certes, la France a récemment opté pour ce pari. Mais la mesure est très jeune et son efficacité reste loin d'être prouvée. Le commerce internet ressemble à une eau qui se faufile et trouve les trous dans nos lois. La ministre Joly a donc raison de rester sceptique.

Une autre piste proposée serait de prélever des revenus auprès des fournisseurs internet. La logique se comprend ; au lieu de dépenser pour des contenus culturels, les ménages payent aujourd'hui pour une connexion internet qui leur donne accès gratuitement à ces oeuvres. Or, l'internet est devenu un service essentiel qui ne sert pas qu'à accéder à la culture, et il reste encore trop lent, trop coûteux et trop inaccessible en région. Avant de songer à cette option, il faudrait corriger cette sérieuse lacune.

Peut-être que la solution serait d'alléger les contraintes imposées à la télévision traditionnelle pour l'aider à innover, tout en instaurant de nouvelles exigences modestes, mais applicables aux diffuseurs web. Lesquelles ? C'est à cela que servira la consultation.

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